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[Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène

[Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène

Titel: [Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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lents. C’est le 26 décembre 1820. On a apporté de Jamestown un paquet de journaux arrivés d’Europe.
    Il les parcourt, les yeux mi-clos. L’un d’eux annonce la mort d’Élisa, le 7 août 1820 dans son domaine de Villa Vicentina, non loin d’Apulée. La soeur de Napoléon est âgée de quarante-trois ans.
    Il tend le journal à Antommarchi.
    — La princesse Élisa est morte, dit-il. Eh bien, vous le voyez, Élisa vient de nous montrer le chemin ; la mort qui semblait avoir oublié ma famille commence à la frapper. Mon tour ne peut tarder longtemps. La première personne de notre famille qui doit suivre Élisa dans la tombe est ce grand Napoléon qui plie sous le faix et qui pourtant tient encore l’Europe en alarme.

37.
    Ce n’est pas cela, vivre.
    Il vomit. On le change de lit. Il ne se rase pas. On l’aide à marcher jusqu’à la calèche. Il croit qu’il va mieux, que la maladie recule, mais déjà la fatigue s’abat, la faim qu’il avait cru retrouver disparaît. Il avale un consommé, des gelées, et il sent que la douleur et ce voile noir qui lui couvre la tête reviennent l’envelopper.
    Il murmure en plaçant sa main sur l’estomac :
    — J’ai ici une douleur vive et aiguë qui, lorsqu’elle se fait sentir, semble me couper comme avec un rasoir ; pensez-vous que ce soit le pylore qui soit attaqué ? Mon père est mort de cette maladie à l’âge de trente-cinq ans, ne serait-ce pas héréditaire ?
    Mais comment faire confiance à ce dottoraccio d’Antommarchi, qui ne sait rien, qui s’absente ?
    — Je ne veux pas avoir deux maladies, celle de la nature et celle du médecin.
    Il faut accepter pourtant du quinquina, de l’émétique.
    — Ah, docteur, comme je souffre.
    Il se roule par terre, il vomit.
    — Ces diables de médecins sont tous les mêmes, quand ils veulent faire faire une chose à leur malade, ils le trompent et lui font peur.
    Mais celui-là est « bête, ignorant, fat, sans honneur, débarrassez-moi de lui ! J’ai fait mon testament, j’y lègue à Antommarchi vingt francs pour acheter une corde pour se pendre » !
    Il vomit encore.
    — Je veux que vous fassiez appeler Arnott, pour me soigner à l’avenir.
    Il se laisse ausculter par le médecin anglais de la garnison de Sainte-Hélène. Il se redresse.
    Les oligarques sont partout les mêmes, dit-il, importants et insolents tant qu’ils commandent, lâches dès que le danger est arrivé ! Les lâches, tenir un homme désarmé sur un rocher ! Ils sont tous de même. J’ai vu les oligarques de Venise, la veille du jour où ils ont péri, aussi importants que les oligarques d’Angleterre.
     
    Il murmure à Marchand :
    — Ce ne sera pas long, mon fils, ma fin approche, je ne puis aller loin.
    Marchand proteste.
    — Il en sera ce que Dieu voudra, reprend Napoléon.
    Il essaie de travailler, de lire quelques-uns des ouvrages que lady Holland lui a envoyés. Il parcourt les volumes qui retracent ses Victoires et Conquêtes .
    — Dans cinq cents ans, murmure-t-il, les Français ne rêveront qu’à moi. Ils ne parleront que de la gloire de mes brillantes campagnes. Malheur à qui dira du mal de moi. Moi-même, en lisant ces campagnes, je suis ému. Tous les Français doivent se sentir braves en lisant cela.
    Il se laisse tomber en arrière, terrassé, puis se redresse.
    — Il n’y a que la République qui puisse aujourd’hui rendre à la France quelque énergie et la liberté.
    Il repousse le repas qu’on lui présente.
    — Tout me répugne, tout m’inspire du dégoût. Je ne puis souffrir la substance solide la plus légère.
    Il ferme les yeux.
    — La machine est usée, elle ne peut plus aller, c’est fini, je mourrai ici.
    Il perd la notion du temps. On lui répète la date, l’année.
    On est donc déjà le mardi 27 mars 1821. Il aura cinquante-deux ans dans quelques mois.
     
    — Si je finissais ma carrière à présent, dit-il à Bertrand, ce serait un bonheur. J’ai désiré par moments mourir, je ne le crains pas. Ce serait pour moi un bonheur de mourir dans quinze jours. Qu’ai-je à espérer ? Peut-être une fin plus malheureuse.
    Il tente de se lever. Il passe sa redingote par-dessus sa robe de chambre, coiffe son bicorne, fait quelques pas appuyé sur le bras de Bertrand. Il avance en pantoufles jusqu’au jardin.
    — Ah, pourquoi, puisque je devais la perdre d’une manière aussi déplorable, les boulets ont-ils épargné ma vie ?
    Il a des

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