[Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène
s’il les voyait tous, les dignitaires, se rallier à la suite du prince de Bénévent, ce Blafard, au roi Bourbon !
Et mon fils, mon roi de Rome, ma dynastie !
— Mon énergie les irrite, dit-il d’un ton hargneux. Ma constance les fatigue. Les intrigues se découvriront, je sais tout…
Il entre dans la maison de la poste.
— Paris, s’exclame-t-il, la capitale de la civilisation, être occupée par les Barbares ! Cette grande cité sera leur tombeau !
Il soupire.
— Mais il y a bien des intrigants à Paris. Qui sait ce qui se passera dans la journée de demain ? Les soldats, les braves officiers ne me trahiront pas. Marmont a été élevé dans mon camp ; j’ai été pour lui un père. Il peut avoir manqué d’énergie, avoir fait des bêtises, mais il ne peut être un traître.
Il s’assied, les coudes sur la table, la tête dans les mains, puis il commence à écrire.
« Mon amie.
« Je me suis rendu ici pour défendre Paris, mais il n’était plus temps. La ville avait été rendue dans la soirée. Je réunis mon armée du côté de Fontainebleau. Ma santé est bonne. Je souffre ce que tu dois souffrir.
« Napoléon.
« La Cour de France , le 31 mars à trois heures du matin. »
Il se lève. Il faudrait… Il se tourne vers Caulaincourt.
— Il faut partir, allez à Paris, allez sauver la France et votre Empereur, faites ce que vous pourrez. On nous imposera sûrement de dures conditions, mais je m’en remets à votre honneur comme Français…
Il commence à dicter un ordre de mission pour Caulaincourt, puis, en le tendant au ministre des Relations extérieures, il murmure :
— Vous arriverez trop tard. Les autorités de Paris craindront de compromettre les habitants vis-à-vis de l’ennemi. Elles ne voudront pas vous écouter, car les ennemis ont d’autres projets que ceux qu’ils ont annoncés jusqu’à présent…
C’est ma tête qu’ils veulent .
Le général Flahaut, qui rentre de Paris, lui tend une lettre de Marmont.
« Je dois dire à Votre Majesté la vérité tout entière. Non seulement il n’y a pas de dispositions à se défendre, mais il y a une résolution bien formelle à ne point le faire. Il paraît que l’esprit a changé du tout au tout depuis le départ de l’Impératrice, et le départ du roi Joseph à midi et de tous les membres du gouvernement a mis le comble au mécontentement… »
Napoléon baisse la tête.
Il sort sans un mot de la Cour de France , monte dans sa voiture.
Il arrive à Fontainebleau le 31 mars 1814 à six heures du matin.
Il s’enferme dans son appartement du premier étage. Il lit les courriers, appelle son secrétaire, commence à dicter.
Rien n’est perdu puisqu’un autre jour se lève.
19.
Ne jamais renoncer.
Il regarde par la croisée le parc du château de Fontainebleau. Tout est si calme, si désert, ce jeudi 31 mars 1814. Il reste un long moment pensif, puis il secoue tout son corps.
— Orléans doit être le pivot de l’armée, dit-il en retournant vers la table des cartes. Qu’on y concentre tous les dépôts, ceux de l’artillerie, de la cavalerie, de l’infanterie, des gardes nationaux.
Il se penche tout en parlant. Il dispose encore de plus de soixante-dix mille hommes. Les coalisés sont près de cent quatre-vingt mille. Soit. Mais ils ont perdu dix mille hommes à Paris. On peut les refouler, soulever les faubourgs, couper les lignes de retraite, appeler à l’aide les Blouses Bleues de toute la Champagne, de la Lorraine, de l’Est. Du doigt, il trace une ligne sur la carte, dicte.
« Le duc de Raguse, maréchal Marmont, formera l’avant-garde et réunira toutes ses troupes à Essonne. Le corps du maréchal Mortier, duc de Trévise, se réunira entre Essonne et Fontainebleau. Le ministre de l’Intérieur mettra partout en vigueur la mesure de levée en masse pour remplir les cadres des bataillons. »
Il s’arrête, s’approche à nouveau de la croisée. Brusquement, ce silence autour du château l’accable. A-t-il tout perdu ? Où sont sa femme et son fils ? Il écrit :
« Ma bonne Louise. Je n’ai pas reçu de lettre de toi. Je crains que tu ne sois trop affectée de la perte de Paris. Je te prie d’avoir du courage et de soigner ta santé qui m’est si précieuse. La mienne est bonne. Donne un baiser au petit roi et aime-moi toujours.
« Ton Nap. »
Un courrier de Paris arrive.
Napoléon prend la dépêche de Caulaincourt qui, comme
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