Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Néron

Néron

Titel: Néron Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
découvrir la férocité de Caligula : comment, trouvant trop onéreux d’acheter des animaux pour nourrir les fauves destinés aux jeux, il avait désigné des condamnés pour leur servir de pâture, passant lui-même parmi les prisonniers, désignant ceux qui seraient les premières victimes, ou bien, d’un mouvement lent de la main, indiquant qu’ils devaient tous périr indistinctement.
    J’avais connu les excès de Tibère, sa dépravation, ses jeux avec de jeunes enfants dressés à l’exciter en le léchant cependant qu’il nageait, et lorsqu’il était las, il faisait supplicier ou châtrer ces « petits poissons », ainsi qu’il les appelait.
    J’aurais pu – je le pourrais encore – rappeler les sévices et les débauches que Tibère avait imaginés au temps où il s’était retiré à Capri. Je m’étais rendu à plusieurs reprises dans l’île pour rendre compte de ce qui se tramait à Rome. À chacun de mes brefs séjours, j’avais craint d’être victime de l’une des colères ou des lubies de l’empereur.
    Je l’avais vu faire déchirer le visage d’un pêcheur avec le poisson que ce malheureux lui avait offert, révélant ainsi qu’il avait jeté ses filets près des rivages de Pîle, ce que l’empereur avait interdit.
    Je m’étais souvent interrogé sur cette sauvagerie qui avait saisi Tibère, cette démesure dans la débauche à laquelle il avait succombé et dont je retrouvais tous les traits en la personne de Caligula, comme si la conquête du pouvoir suprême donnait à l’homme qui y accédait une ivresse que seule la mort pouvait interrompre.
    L’on m’avait ainsi rapporté que Caligula recommandait à ses bourreaux de prolonger l’agonie des suppliciés : « Frappe de telle façon qu’il se sente mourir », répétait-il, et il se complaisait à répéter ce vers d’une tragédie grecque : « Qu’on me haïsse pourvu qu’on me craigne ! »
     
    Et c’était cet homme qui m’avait interpellé :
    — Qui es-tu, toi ?
    Cette question prononcée sur ce ton valait souvent condamnation à mort. J’avais été humble comme il sied au dernier descendant d’une famille noble mais modeste, aux ambitions mesurées, dont le fondateur n’avait été que légat, qui n’avait point pris parti dans les guerres civiles, puis dont les successeurs avaient servi les empereurs issus de César, Auguste, Tibère, « et maintenant toi, divin Caligula ».
    — Serenus, avait répété l’empereur, issu de la gens Salinator, de ce Gaius Fuscus Salinator, légat de Crassus.
    Il m’avait pris par le bras, m’avait entraîné dans l’un de ses salons.
    — Tu pars ce soir pour Antium, c’est là que je suis né, avait-il dit. Ma sœur Agrippine va y mettre bas peut-être cette nuit.
    Il m’avait dévisagé, tout à coup silencieux, le regard aigu, fouillant en moi, et j’avais baissé les yeux.
    Je savais qu’il avait, disait-on, usé de toutes ses sœurs comme épouses. Ce que les citoyens s’interdisaient, les empereurs, comme les dieux, l’accomplissaient.
    — Elle s’est accouplée avec ce Domitius Ahenobarbus, avait-il repris.
    Il s’était penché vers moi, secouant la tête.
    — Est-ce digne d’une femme qui descend de César et d’Auguste ? Je la croyais plus fière de ses origines. Un Domitius Ahenobarbus ! Elle, Agrippine, ma sœur !
    J’avais essayé de ne pas croiser le regard de Caligula, de chasser de mon esprit toute pensée afin que l’empereur n’en saisît aucun reflet. Mais peut-être n’avais-je pas réussi à dissimuler mon étonnement devant ses propos.
    Car la famille des Ahenobarbus était illustre et puissante. Elle comptait des consuls et des censeurs dans ses rangs. Elle était apparentée à Brutus et à Cassius, adversaires de César, mais, lors de la guerre civile, ses membres avaient rejoint Auguste et celui-ci avait fait d’un Ahenobarbus le gestionnaire de son patrimoine.
    On disait de l’un de leurs ancêtres qu’il avait une barbe d’airain – de là son nom –, une bouche de fer et un cœur de plomb. En effet, à l’égal des plus grands, ils avaient tous fait montre d’une telle férocité qu’Auguste avait dû condamner leurs pratiques par décret. Mais ils avaient persévéré dans la sauvagerie et la cruauté, l’un d’eux écrasant par plaisir un enfant dans un bourg de la via Appia, arrachant un œil à un chevalier qui lui avait adressé des reproches, tuant les affranchis qui se

Weitere Kostenlose Bücher