Notre-Dame de Paris
cave et un soleil de bois doré. Ce sont là des choses tout à fait merveilleuses. La lanterne du labyrinthe du Jardin des Plantes est aussi fort ingénieuse. Quant au palais de la Bourse, qui est grec par sa colonnade, romain par le plein cintre de ses portes et fenêtres, de la renaissance par sa grande voûte surbaissée, c’est indubitablement un monument très correct et très pur. La preuve, c’est qu’il est couronné d’un attique comme on n’en voyait pas à Athènes, belle ligne droite, gracieusement coupée çà et là par des tuyaux de poêle. Ajoutons que, s’il est de règle que l’architecture d’un édifice soit adaptée à sa destination de telle façon que cette destination se dénonce d’elle-même au seul aspect de l’édifice, on ne saurait trop s’émerveiller d’un monument qui peut être indifféremment un palais de roi, une chambre des communes, un hôtel de ville, un collège, un manège, une académie, un entrepôt, un tribunal, un musée, une caserne, un sépulcre, un temple, un théâtre. En attendant, c’est une Bourse. Un monument doit en outre être approprié au climat. Celui-ci est évidemment construit exprès pour notre ciel froid et pluvieux. Il a un toit presque plat comme en Orient, ce qui fait que l’hiver, quand il neige, on balaye le toit, et il est certain qu’un toit est fait pour être balayé. Quant à cette destination dont nous parlions tout à l’heure, il la remplit à merveille ; il est Bourse en France, comme il eût été temple en Grèce. Il est vrai que l’architecte a eu assez de peine à cacher le cadran de l’horloge qui eût détruit la pureté des belles lignes de la façade ; mais en revanche on a cette colonnade qui circule autour du monument, et sous laquelle, dans les grands jours de solennité religieuse, peut se développer majestueusement la théorie des agents de change et des courtiers de commerce.
Ce sont là sans aucun doute de très superbes monuments. Joignons-y force belles rues, amusantes et variées comme la rue de Rivoli, et je ne désespère pas que Paris vu à vol de ballon ne présente un jour aux yeux cette richesse de lignes, cette opulence de détails, cette diversité d’aspects, ce je ne sais quoi de grandiose dans le simple et d’inattendu dans le beau qui caractérise un damier.
Toutefois, si admirable que vous semble le Paris d’à présent, refaites le Paris du quinzième siècle, reconstruisez-le dans votre pensée, regardez le jour à travers cette haie surprenante d’aiguilles, de tours et de clochers, répandez au milieu de l’immense ville, déchirez à la pointe des îles, plissez aux arches des ponts la Seine avec ses larges flaques vertes et jaunes, plus changeante qu’une robe de serpent, détachez nettement sur un horizon d’azur le profil gothique de ce vieux Paris, faites-en flotter le contour dans une brume d’hiver qui s’accroche à ses nombreuses cheminées ; noyez-le dans une nuit profonde, et regardez le jeu bizarre des ténèbres et des lumières dans ce sombre labyrinthe d’édifices ; jetez-y un rayon de lune qui le dessine vaguement, et fasse sortir du brouillard les grandes têtes des tours ; ou reprenez cette noire silhouette, ravivez d’ombre les mille angles aigus des flèches et des pignons, et faites-la saillir, plus dentelée qu’une mâchoire de requin, sur le ciel de cuivre du couchant. – Et puis, comparez.
Et si vous voulez recevoir de la vieille ville une impression que la moderne ne saurait plus vous donner, montez, un matin de grande fête, au soleil levant de Pâques ou de la Pentecôte, montez sur quelque point élevé d’où vous dominiez la capitale entière, et assistez à l’éveil des carillons. Voyez à un signal parti du ciel, car c’est le soleil qui le donne, ces mille églises tressaillir à la fois. Ce sont d’abord des tintements épars, allant d’une église à l’autre, comme lorsque des musiciens s’avertissent qu’on va commencer ; puis tout à coup voyez, car il semble qu’en certains instants l’oreille aussi a sa vue, voyez s’élever au même moment de chaque clocher comme une colonne de bruit, comme une fumée d’harmonie. D’abord, la vibration de chaque cloche monte droite, pure et pour ainsi dire isolée des autres, dans le ciel splendide du matin. Puis, peu à peu, en grossissant elles se fondent, elles se mêlent, elles s’effacent l’une dans l’autre, elles s’amalgament dans un magnifique concert. Ce
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