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Notre-Dame de Paris

Notre-Dame de Paris

Titel: Notre-Dame de Paris Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Victor Hugo
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d’abbayes et d’enclos cultivés, le tout amalgamé et fondu au regard ; sur ces mille édifices, dont les toits de tuiles et d’ardoises découpaient les uns sur les autres tant de chaînes bizarres, les clochers tatoués, gaufrés et guillochés des quarante-quatre églises de la rive droite ; des myriades de rues au travers ; pour limite d’un côté une clôture de hautes murailles à tours carrées (celle de l’Université était à tours rondes) ; de l’autre, la Seine coupée de ponts et charriant force bateaux : voilà la Ville au quinzième siècle.
    Au delà des murailles, quelques faubourgs se pressaient aux portes, mais moins nombreux et plus épars que ceux de l’Université. C’étaient, derrière la Bastille, vingt masures pelotonnées autour des curieuses sculptures de la Croix-Faubin et des arcs-boutants de l’abbaye Saint-Antoine des Champs ; puis Popincourt, perdu dans les blés ; puis la Courtille, joyeux village de cabarets ; le bourg Saint-Laurent avec son église dont le clocher de loin semblait s’ajouter aux tours pointues de la porte Saint-Martin ; le faubourg Saint-Denis avec le vaste enclos de Saint-Ladre ; hors de la porte Montmartre, la Grange-Batelière ceinte de murailles blanches ; derrière elle, avec ses pentes de craie, Montmartre qui avait alors presque autant d’églises que de moulins, et qui n’a gardé que les moulins, car la société ne demande plus maintenant que le pain du corps. Enfin, au delà du Louvre on voyait s’allonger dans les prés le faubourg Saint-Honoré, déjà fort considérable alors, et verdoyer la Petite-Bretagne, et se dérouler le Marché-aux-Pourceaux, au centre duquel s’arrondissait l’horrible fourneau à bouillir les faux-monnayeurs. Entre la Courtille et Saint-Laurent votre œil avait déjà remarqué au couronnement d’une hauteur accroupie sur des plaines désertes une espèce d’édifice qui ressemblait de loin à une colonnade en ruine debout sur un soubassement déchaussé. Ce n’était ni un Parthénon, ni un temple de Jupiter Olympien. C’était Montfaucon.
    Maintenant, si le dénombrement de tant d’édifices, quelque sommaire que nous l’ayons voulu faire, n’a pas pulvérisé, à mesure que nous la construisions, dans l’esprit du lecteur, l’image générale du vieux Paris, nous la résumerons en quelques mots. Au centre, l’île de la Cité, ressemblant par sa forme à une énorme tortue et faisant sortir ses ponts écaillés de tuiles comme des pattes, de dessous sa grise carapace de toits. À gauche, le trapèze monolithe, ferme, dense, serré, hérissé, de l’Université. À droite, le vaste demi-cercle de la Ville beaucoup plus mêlé de jardins et de monuments. Les trois blocs, Cité, Université, Ville, marbrés de rues sans nombre. Tout au travers, la Seine, la « nourricière Seine », comme dit le père Du Breul, obstruée d’îles, de ponts et de bateaux. Tout autour, une plaine immense, rapiécée de mille sortes de cultures, semée de beaux villages ; à gauche, Issy, Vanvres, Vaugirard, Montrouge, Gentilly avec sa tour ronde et sa tour carrée, etc. ; à droite, vingt autres depuis Conflans jusqu’à la Ville-l’Évêque. À l’horizon, un ourlet de collines disposées en cercle comme le rebord du bassin. Enfin, au loin, à l’orient, Vincennes et ses sept tours quadrangulaires ; au sud, Bicêtre et ses tourelles pointues ; au septentrion, Saint-Denis et son aiguille ; à l’occident, Saint-Cloud et son donjon. Voilà le Paris que voyaient du haut des tours de Notre-Dame les corbeaux qui vivaient en 1482.
    C’est pourtant de cette ville que Voltaire a dit qu’ avant Louis XIV elle ne possédait que quatre beaux monuments {38}  : le dôme de la Sorbonne, le Val-de-Grâce, le Louvre moderne, et je ne sais plus le quatrième, le Luxembourg peut-être. Heureusement Voltaire n’en a pas moins fait Candide , et n’en est pas moins de tous les hommes qui se sont succédé dans la longue série de l’humanité celui qui a le mieux eu le rire diabolique. Cela prouve d’ailleurs qu’on peut être un beau génie et ne rien comprendre à un art dont on n’est pas. Molière ne croyait-il pas faire beaucoup d’honneur à Raphaël et à Michel-Ange en les appelant ces Mignards de leur âge {39}  ?
    Revenons à Paris et au quinzième siècle.
    Ce n’était pas alors seulement une belle ville ; c’était une ville homogène, un produit architectural et historique du moyen

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