Odyssée
combat. Et, s'approchant, le blond Ménélaos lui dit :
- Viens, divin Antilokhos ! apprends une triste nouvelle. Pl˚t aux Dieux que ceci ne f˚t jamais arrivé ! Sans doute tu sais déjà qu'un Dieu accable les Akhaiens et donne la victoire aux Troiens. Le meilleur des Akhaiens a été tué, Patroklos, qui laisse de grands regrets aux Danaens. Mais toi, cours aux nefs des Akhaiens, et annonce ce malheur au Pèléide. qu'il vienne promptement sauver son cadavre nu, car Hektôr au casque mouvant possède ses armes.
Il parla ainsi, et Antilokhos, accablé par ces paroles, resta longtemps muet, et ses yeux s'emplirent de larmes, et la voix lui manqua; mais il obéit à l'ordre de Ménélaos. Et il remit ses armes à l'irréprochable Laodokos, son ami, qui conduisait ses chevaux aux sabots massifs, et il s'éloigna en courant. Et ses pieds l'emportaient, pleurant, afin d'annoncer au Pèléide Akhilleus la triste nouvelle.
Et tu ne voulus point, divin Ménélaos, venir en aide aux compagnons attristés d'Antilokhos, aux Pyliens qui le regrettaient. Et il leur laissa le divin Thrasymèdès, et il retourna auprès du héros Patroklos, et, parvenu jusqu'aux Aias, il leur dit :
- J'ai envoyé Antilokhos vers les nefs, afin de parler au Pèléiôn aux pieds rapides ; mais je ne pense pas que le Pèlèiade vienne maintenant, bien que très-irrité contre le divin Hektôr, car il ne peut combattre sans armes.
Songeons, pour le mieux, de quelle façon nous entraînerons ce cadavre, et comment nous éviterons nous-mêmes la mort et la Moire à travers le tumulte des Troiens.
Et le grand Aias Télamônien lui répondit :
- Tu as bien dit, ô illustre Ménélaos. Toi et Mèrionès, enlevez promptement le cadavre et emportez-le hors de la mêlée ; et, derrière vous, nous repousserons les Troiens et le divin Hektôr, nous qui avons la même ‚me et le même nom, et qui savons affronter tous deux le combat terrible.
Il parla ainsi, et, dans leurs bras, ils enlevèrent le cadavre. Et les Troiens poussèrent des cris horribles en voyant les Akhaiens enlever Patroklos. Et ils se ruèrent, semblables à des chiens qui, devançant les chasseurs, s'amassent sur un sanglier blessé qu'ils veulent déchirer. Mais s'il se retourne, confiant dans sa force, ils s'arrêtent et fuient çà et là. Ainsi les Troiens se ruaient en foule, frappant de l'épée et de la lance ; mais, quand les Aias se retournaient et leur tenaient tête, ils changeaient de couleur, et aucun n'osait les combattre pour leur disputer ce cadavre.
Et ils emportaient ainsi avec ardeur le cadavre, hors de la mêlée, vers les nefs creuses. Et le combat les suivait, acharné et terrible, comme un incendie qui éclate brusquement dans une ville ; et les maisons croulent dans une vaste flamme que tourmente la violence du vent. Ainsi le tumulte sans trêve des chevaux et des hommes poursuivait les Akhaiens. Comme des mulets vigoureux, se h‚tant, malgré le travail et la sueur, traînent par l'‚pre chemin d'une montagne, soit une poutre, soit un m‚t; ainsi Ménélaos et Mèrionès emportaient à la h‚te le cadavre. Et derrière eux, les Aias repoussaient les Troiens, comme une colline boisée, qui s'étend par la plaine, repousse les courants furieux des fleuves rapides qui ne peuvent la rompre et qu'elle rejette toujours vers la plaine. Ainsi les Aias repoussaient la foule des Troiens qui les poursuivaient, conduits par Ainéias Ankhisiade et par l'illustre Hektôr. Comme une troupe d'étourneaux et de geais vole en poussant des cris aigus, à l'approche de l'épervier qui tue les petits oiseaux, de même les fils des Akhaiens couraient avec des clameurs perçantes, devant Ainéias et Hektôr, et oublieux du combat. Et les belles armes des Danaens en fuite emplissaient les bords du fossé et le fossé lui-même; mais le carnage ne cessait point.
Chant 18 :
Et ils combattaient ainsi, comme le feu ardent. Et Antilokhos vint à
Akhilleus aux pieds rapides, et il le trouva devant ses nefs aux antennes dressées, songeant dans son esprit aux choses accomplies déjà ; et, gémissant, il disait dans son coeur magnanime:
- ‘ Dieux ! pourquoi les Akhaiens chevelus, dispersés par la plaine, sont-ils repoussés tumultueusement vers les nefs ? que les Dieux m'épargnent ces cruelles douleurs qu'autrefois ma mère m'annonça, quand elle me disait que le meilleur des Myrmidones, moi vivant, perdrait la lumière de Hélios sous les mains des Troiens. Sans doute il
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