Odyssée
n'est point la coutume de ma race de fuir et de trembler. Je possède encore toutes mes forces. J'irai au-devant de ces guerriers. Pallas Athènè ne me permet point de craindre. Leurs chevaux rapides ne nous les arracheront point tous deux, si, du moins, un seul en réchappe. Mais je te le dis, et souviens-toi de mes paroles : si la sage Athènè me donnait la gloire de les tuer tous deux, arrête nos chevaux rapides, attache les rênes au char, cours aux chevaux d'Ainéias et pousse-les parmi les Akhaiens aux belles knèmides. Ils sont de la race de ceux que le prévoyant Zeus donna à Trôs en échange de son fils Ganymèdès, et ce sont les meilleurs chevaux qui soient sous …ôs et Hélios'. Le roi des hommes, Ankhisès, à l'insu de Laomédôn, fit saillir des cavales par ces étalons, et il en eut six rejetons. Il en retient quatre qu'il nourrit à la crèche, et il a donné ces deux-ci, rapides à la fuite, à Ainéias. Si nous les enlevons, nous remporterons une grande gloire.
Pendant qu'ils se parlaient ainsi, les deux Troiens poussaient vers eux leurs chevaux rapides, et le premier, l'illustre fils de Lykaôn, s'écria :
- Très-brave et très-excellent guerrier, fils de l'illustre Tydeus, mon trait rapide, ma flèche amère, ne t'a point tué ; mais je vais tenter de te percer de ma pique.
Il parla, et, lançant sa longue pique, frappa le bouclier du Tydéide. La pointe d'airain siffla et s'enfonça dans la cuirasse, et l'illustre fils de Lykaôn cria à voix haute :
- Tu es blessé dans le ventre ! Je ne pense point que tu survives longtemps, et tu vas me donner une grande gloire.
Et le brave Diomèdès lui répondit avec calme
- Tu m'as manqué, loin de m'atteindre ; mais je ne pense pas que vous vous reposiez avant qu'un de vous, au moins, ne tombe et ne rassasie de son sang Arès, l'audacieux combattant.
Il parla ainsi, et lança sa pique. Et Athènè la dirigea au-dessus du nez, auprès de l'oeil, et l'airain indompté traversa les blanches dents, coupa l'extrémité de la langue et sortit sous le menton. Et Pandaros tomba du char, et ses armes brillantes, aux couleurs variées, résonnèrent sur lui, et les chevaux aux pieds rapides frémirent, et la vie et les forces de l'homme furent brisées.
Alors Ainéias s'élança avec son bouclier et sa longue pique, de peur que les Akhaiens n'enlevassent le cadavre. Et, tout autour, il allait comme un lion confiant dans ses forces, brandissant sa pique et son bouclier bombé, prêt à tuer celui qui oserait approcher, et criant horriblement. Mais le Tydéide saisit de sa main un lourd rocher que deux hommes, de ceux qui vivent aujourd'hui, ne pourraient soulever. Seul, il le remua facilement.
Et il en frappa Ainéias à la cuisse, là o˘ le fémur tourne dans le cotyle 1. Et la pierre rugueuse heurta le cotyle, rompit les deux muscles supérieurs et déchira la peau. Le héros, tombant sur les genoux, s'appuya d'une main lourde sur la terre, et une nuit noire couvrit ses yeux. Et le roi des hommes, Ainéias, e˚t sans doute péri, si la fille de Zeus, Aphroditè, ne l'e˚t aperçu : car elle était sa mère, l'ayant conçu d'Ankhisès, comme il paissait ses boeufs. Elle jeta ses bras blancs autour de son fils bien-aimé et l'enveloppa des plis de son péplos éclatant, afin de le garantir des traits, et de peur qu'un des guerriers Danaens enfonç‚t l'airain dans sa poitrine et lui arrach‚t l'‚me. Et elle enleva hors de la mêlée son fils bien-aimé.
Mais le fils de Kapaneus n'oublia point l'ordre que lui avait donné
Diomèdès hardi au combat. Il arrêta brusquement les chevaux aux sabots massifs, en attachant au char les rênes tendues ; et, se précipitant vers les chevaux aux longues crinières d'Ainéias, il les poussa du côté des Akhaiens aux belles knèmides. Et il les remit à son cher compagnon Deipylos, qu'il honorait au-dessus de tous, tant leurs ‚mes étaient d'accord, afin que celui-ci les conduisit aux nefs creuses.
Puis le héros, remontant sur son char, saisit les belles rênes, et, traîné
par ses chevaux aux sabots massifs, suivit le Tydéide. [330] Et celui-ci, de l'airain meurtrier, pressait ardemment Aphroditè, sachant que c'était une Déesse pleine de faiblesse, et qu'elle n'était point de ces divinités qui se mêlent aux luttes des guerriers, comme Athènè ou comme …nyô, la destructrice des citadelles. Et, la poursuivant dans la mêlée tumultueuse, le fils du magnanime Tydeus bondit, et de sa pique
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