Odyssée
tourbillon de vent qui couvrit les nefs de poussière, amollit le courage des Akhaiens et assura la gloire à Hektôr et aux Troiens qui, confiants dans les signes de Zeus et dans leur vigueur, tentaient de rompre la grande muraille des Akhaiens.
Et ils arrachaient les créneaux, et ils démolissaient les parapets, et ils ébranlaient avec des leviers les piles que les Akhaiens avaient posées d'abord en terre pour soutenir les tours. Et ils les arrachaient, espérant détruire la muraille des Akhaiens. Mais les Danaens ne reculaient point, et, couvrant les parapets de leurs boucliers de peaux de boeuf, ils en repoussaient les ennemis qui assiégeaient la muraille.
Et les deux Aias couraient çà et là sur les tours, ranimant le courage des Akhaiens. Tantôt par des paroles flatteuses, tantôt par de rudes paroles, ils excitaient ceux qu'ils voyaient se retirer du combat :
- Amis ! vous, les plus vaillants des Argiens, ou les moins braves, car tous les guerriers ne sont pas égaux dans la mêlée, c'est maintenant, vous le voyez, qu'il faut combattre, tous tant que vous êtes. que nul ne se retire vers les nefs devant les menaces de l'ennemi. En avant ! Exhortez-vous les uns les autres. Peut-être que l'Olympien foudroyant Zeus nous donnera de repousser les Troiens jusque dans la Ville.
Et c'est ainsi que d'une voix belliqueuse ils excitaient les Akhaiens.
De même que, par un jour d'hiver, tombent les flocons amoncelés de la neige, quand le sage Zeus, manifestant ses traits, les répand sur les hommes mortels, et que les vents se taisent, tandis que la neige couvre les cimes des grandes montagnes, et les hauts promontoires, et les compagnes herbues, et les vastes travaux des laboureurs, et qu'elle tombe aussi sur les rivages de la mer écumeuse o˘ les flots la fondent, pendant que la pluie de Zeus enveloppe tout le reste ; de même une grêle de pierres volait des Akhaiens aux Troiens et des Troiens aux Akhaiens, et un retentissement s'élevait tout autour de la muraille.
Mais ni les Troiens ni l'illustre Hektôr n'auraient alors rompu les portes de la muraille ni la longue barrière, si le sage Zeus n'e˚t poussé son fils Sarpèdôn contre les Argiens, comme un lion contre des boeufs aux cornes recourbées.
Et il tenait devant lui un bouclier d'une rondeur égale, beau, revêtu de lames d'airain que l'ouvrier avait appliquées sur d'épaisses peaux de boeuf, et entouré de longs cercles d'or. Et, tenant ce bouclier et agitant deux lances, Sarpèdôn s'avançait, comme un lion nourri sur les montagnes, qui, depuis longtemps affamé, est excité par son coeur audacieux à enlever les brebis jusque dans l'enclos profond, et qui, bien qu'elles soient gardées par les chiens et par les pasteurs armés de lances, ne recule point sans tenter le péril, mais d'un bond saisit sa proie, s'il n'est d'abord percé par un trait rapide. Ainsi le coeur du divin Sarpèdôn le poussait à
enfoncer le rempart et à rompre les parapets. Et il dit à Glaukos, fils de Hippolokhos :
- Glaukos, pourquoi, dans la Lykiè, sommes-nous grandement honorés par les meilleures places, les viandes et les coupes pleines, et sommes-nous regardés comme des Dieux ? Pourquoi cultivons-nous un grand domaine florissant, sur les rives du Xanthos, une terre plantée de vignes et de blé ? C'est afin que nous soyons debout, en tête des Lykiens, dans l'ardente bataille. C'est afin que chacun des Lykiens bien armés dise: Nos rois, qui gouvernent la Lykiè, ne sont pas sans gloire. S'ils mangent les grasses brebis, s'ils boivent le vin excellent et doux, ils sont pleins de courage et de vigueur, et ils combattent en tête des Lykiens. - ‘ ami, si en évitant la guerre nous pouvions rester jeunes et immortels, je ne combattrais pas au premier rang et je ne t'enverrais pas à la bataille glorieuse; mais nulle chances de mort nous enveloppent, et il n'est point permis à l'homme vivant de les éviter ni de les fuir. Allons ! donnons une grande gloire à l'ennemi ou à nous.
Il parla ainsi, et Glaukos ne recula point et lui obéit. Et ils allaient, conduisant la foule des Lykiens. Et le fils de Pétéos, Ménestheus, frémit en les voyant, car ils se ruaient à l'assaut de sa tour. Et il jeta les yeux sur la muraille des Akhaiens, cherchant quelque chef qui vînt défendre ses compagnons. Et il aperçut les deux Aias, insatiables de combats, et, auprès d'eux, Teukros qui sortait de sa tente. Mais ses clameurs ne pouvaient être entendues,
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