Odyssée
disputent la plus petite portion du terrain, de même, séparés par les créneaux, les combattants heurtaient de toutes parts les boucliers au grand orbe et les défenses plus légères. Et beaucoup étaient blessés par l'airain cruel ; et ceux qui, en fuyant, découvraient leur dos, étaient percés', même à travers les boucliers. Et les tours et les créneaux étaient inondés du sang des guerriers. Et les Troiens ne pouvaient mettre en fuite les Akhaiens, mais ils se contenaient les uns les autres. Telles sont les balances d'une ouvrière équitable. Elle tient les poids d'un côté et la laine de l'autre, et elle les pèse et les égalise, afin d'apporter à ses enfants un chétif salaire. Ainsi le combat restait égal entre les deux partis, jusqu'au moment o˘ Zeus accorda une gloire éclatante au Priamide Hektôr qui, le premier, franchit le mur des Akhaiens.
Et il cria d'une voix retentissante, afin d'être entendu des Troiens :
- En avant, cavaliers Troiens ! Rompez la muraille des Argiens, et allumez de vos mains une immense flamme ardente.
Il parla ainsi, et tous l'entendirent, et ils se jetèrent sur la muraille, escaladant les créneaux et dardant les lances aiguÎs. Et Hektôr portait une pierre énorme, lourde, pointue, qui gisait devant les portes, telle que deux très-robustes hommes de nos jours n'en pourraient soulever la pareille de terre, sur leur chariot. Mais, seul, il l'agitait facilement, car le fils du subtil Kronos la lui rendait légère. De même qu'un berger porte aisément dans sa main la toison d'un bélier, et en trouve le poids léger, de même Hektôr portait la pierre soulevée droit aux ais doubles qui défendaient les portes, hautes, solides et à deux battants. Deux poutres les fermaient en dedans, traversées par une cheville.
Et, s'approchant, il se dressa sur ses pieds et frappa la porte par le milieu, et le choc ne fut pas inutile. Il rompit les deux gonds, et la pierre enfonça le tout et tomba lourdement de l'autre côté. Et ni les poutres brisées, ni les battants en éclats ne résistèrent au choc de la pierre. Et l'illustre Hektôr sauta dans le camp, semblable à une nuit rapide, tandis que l'airain dont il était revêtu resplendissait. Et il brandissait deux lances dans ses mains, et nul, excepté un dieu, n'e˚t pu l'arrêter dans son élan.
Et le feu luisait dans ses yeux. Et il commanda à la multitude des Troiens de franchir la muraille, et tous lui obéirent. Les uns escaladèrent la muraille, les autres enfoncèrent les portes, et les Danaens s'enfuirent jusqu'aux nefs creuses, et un immense tumulte s'éleva.
Chant 13 :
Et dès que Zeus eut poussé Hektôr et les Troiens jusqu'aux nefs, les y laissant soutenir seuls le rude combat, il touma ses yeux splendides sur la terre des cavaliers Thrèkiens,[5] des Mysiens, qui combattent de près, et des illustres Hippomolgues qui se nourrissent de lait, pauvres, mais les plus justes des hommes. Et Zeus ne jetait plus ses yeux splendides sur Troiè, ne pensant point dans son esprit qu'aucun des immortels os‚t secourir ou les Troiens, ou les Danaens.
[10] Mais celui qui ébranle la terre ne veillait pas en vain, et il regardait la guerre et le combat, assis sur le plus haut sommet de la Samothrèkè feuillue, d'o˘ apparaissaient tout l'Ida et la ville de Priamos et les nefs des Akhaiens. Et là, assis hors de la mer, il prenait pitié des Akhaiens domptés par les Troiens, et s'irritait profondément contre Zeus.
Et, aussitôt, il descendit du sommet escarpé, et les hautes montagnes et les forêts tremblaient sous les pieds immortels de Poseidaôn qui marchait.
Et il fit trois pas, et, au quatrième, il atteignit le terme de sa course, Aigas, o˘, dans les gouffres de la mer, étaient ses illustres demeures d'or, éclatantes et incorruptibles.
Et là, il attacha au char ses chevaux rapides, dont les pieds étaient d'airain et les crinières d'or. Et il se revêtit d'or lui-même, saisit le fouet d'or habilement travaillé, et monta sur son char. Et il allait sur les eaux, et, de toutes parts, les cétacés, émergeant de l'abîme, bondissaient, joyeux, et reconnaissaient leur roi. Et la mer s'ouvrait avec allégresse, et les chevaux volaient rapidement sans que l'écume mouill‚t l'essieu d'airain. Et les chevaux agiles le portèrent jusqu'aux nefs.
Et il y avait un antre large dans les gouffres de la mer profonde, entre Ténédos et l'‚pre Irnbros. Là, Poseidaôn qui ébranle la terre arrêta
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