Oeuvres de Napoléon Bonaparte, TOME III.
avouée même par nos ennemis, puisqu'ils se sont refusés à accepter la médiation offerte par l'empereur de Russie et par le roi de Prusse, deux princes dont la justice est reconnue par toute l'Europe.
Le gouvernement anglais paraît même avoir été obligé de tromper la nation dans la communication officielle qu'il vient de faire. Il a eu soin de soustraire toutes les pièces qui étaient de nature à faire connaître au peuple anglais la modération et les procédés du gouvernement français dans toute la négociation. Quelques-unes des notes que des ministres britanniques ont publiées sont mutilées dans leurs passages les plus importans. Le reste des pièces données en communication au parlement, contient l'extrait des dépêches de quelques agens publics ou secrets. Il n'appartient qu'à ces agens de contredire ou d'avouer leurs rapports, qui ne peuvent avoir aucune influence dans des débats aussi importans, puisque leur authenticité est au moins aussi incertaine que leur véracité. Une partie des détails qu'ils contiennent est matériellement fausse, notamment les discours que l'on suppose avoir été tenus par le premier consul, dans l'audience particulière qu'il a accordée à lord Whitworth.
Le gouvernement anglais a pensé que la France était une province de l'Inde, et que nous n'avions le moyen ni de dire nos raisons ni de défendre nos justes droits contre une injuste agression.
Etrange inconséquence d'un gouvernement qui a armé sa nation, en lui disant que la France voulait l'envahir ! On trouve dans la publication faite par le gouvernement anglais, une lettre du ministre Talleyrand à un commissaire des relations commerciales : c'est une simple circulaire de protocole qui s'adresse à tous les agens commerciaux de la république. Elle est conforme à l'usage établi en France depuis Colbert, et qui existe aussi chez la plupart des puissances de l'Europe. Toute la nation sait si nos agens commerciaux en Angleterre sont, comme l'affirme le ministère britannique, des militaires. Avant que ces fonctions leur fussent confiées, ils appartenaient pour la plupart, ou au conseil des prises, ou à des administrations civiles.
Si le roi d'Angleterre est résolu de tenir la Grande-Bretagne en état de guerre, jusqu'à ce que la France lui reconnaisse le droit d'exécuter ou de violer à son gré les traités, ainsi que le privilége d'outrager le gouvernement français dans les publications officielles ou privées, sans que nous puissions nous en plaindre, il faut s'affliger sur le sort de l'humanité... Certainement nous voulons laisser à nos neveux le nom français toujours honoré, toujours sans tache... Nous maintiendrons notre droit de faire chez nous tous les réglemens qui conviennent à notre administration publique, et tels tarifs de douanes que l'intérêt de notre commerce et de notre industrie pourra exiger...
Quelles que puissent être les circonstances, nous laisserons toujours à l'Angleterre l'initiative des procédés violens contre la paix et l'indépendance des nations, et elle recevra de nous l'exemple de la modération, qui seule peut maintenir l'ordre social.
Le premier consul, BONAPARTE.
Paris, le 18 prairial an 11 (7 juin 1803).
Note inscrite dans le Moniteur [Le colonel Sébastiani, envoyé dans l'Orient, avait imprimé dans le Moniteur le rapport de son voyage.].
Le rapport du colonel Sébastiani ne renferme pas un seul mot contre le gouvernement de sa Majesté ; pas un seul mot contre le peuple anglais, pas un seul mot contre l'armée anglaise ; il attaquait, il est vrai, un colonel de cette nation ; mais qu'est-ce qu'un individu britannique qui se dit outragé en regard des grands intérêts des deux gouvernemens de France et d'Angleterre ? Est ce dans la balance même de l'Europe qu'il est permis de placer même tous les noms des colonels anglais, passés, présens et futurs ? et le colonel devait-il s'attendre à ce grand honneur d'être vengé par une guerre européenne, de quelques paroles prononcées en Afrique et de quelques justes réponses à des outrages faits au héros et à l'armée qui ont défendu le monde par leurs victoires, et qui l'ont rempli par leur renommée ? Eh ! quoi, un officier français ne pourra répondre aux injures proférées par un officier anglais contre l'armée et son chef, sans qu'il faille verser toutes les calamités de la guerre sur le pays offensé ? A quoi donc se réduit cette récrimination officielle ? L'affaire
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