Oeuvres de Napoléon Bonaparte, TOME III.
France, mais tout à craindre de la Russie ; et que, par sentiment de justice, elle doit plutôt joindre cent mille Prussiens à cent mille Français pour défendre son indépendance, et tenir en respect cette puissance moitié européenne et moitié asiatique, qui, séparée de l'Europe par des déserts, pèse, lorsqu'elle le veut, avec tant d'arrogance sur tous ses voisins, et peut, lorsqu'elle le veut aussi, se mettre à l'écart de toutes les tempêtes qu'elle a suscitées.
Il dépend actuellement de la cour de Vienne de décider la question. La paix ou la guerre est dans ses mains. Si l'Angleterre la croit aussi ferme dans son système pacifique qu'elle sait que l'est la Prusse, elle sentira que, puisque le continent ne peut pas être troublé, elle doit mettre un terme à sa haine, et satisfaire le voeu de tous les peuples, en concluant de bonne foi, sans ruse comme sans vain partage, une paix juste et bonne.
Si l'Autriche est bien aise de voir la France et l'Angleterre s'entre-déchirer, elle fera marcher des troupes, fera des dispositions qui encourageront le parti de la guerre en Angleterre, et par là aura la triste gloire de prolonger les anxiétés et les inquiétudes de deux grandes nations.
Mais si les Anglais se trompent, cette politique ne peut guider la conduite d'un prince aussi franc et aussi honnête homme que l'empereur François II. Il n'est pour les princes comme pour les particuliers, qu'un chemin qui conduit à l'honneur. Si ce prince était dans des sentimens hostiles, il lèverait l'étendard. Il a une armée brave et une population nombreuse ; il est convaincu qu'une guerre sourde est indigne de lui et de sa nation.
Nous ne doutons pas que l'Autriche veuille avoir la gloire de contribuer à la paix maritime ; et elle y a son intérêt, puisque ce moment peut seul faire la séparation des couronnes de France et d'Italie, qu'il peut éloigner les Russes de Corfou et de la Morée, et les Anglais de la Méditerranée, trois choses également avantageuses à l'Autriche. Si elle le veut, disons-nous, elle a un moyen qui est simple ; qu'elle persuade l'Angleterre de ce que la Prusse lui a persuadé, et que les journaux ministériels n'aient plus de prétextes pour faire penser que, peu à peu, on parviendra à amener l'Autriche à devenir bien imprudemment le plastron de l'Angleterre.
Mais est-il de l'intérêt de l'Angleterre de prolonger la guerre, même avec le secours de l'Autriche ? Un Anglais éclairé disait dans une circonstance solennelle, que le cabinet de Saint-James était dans une fausse direction, quand il désirait vouloir acheter par des sacrifices pécuniaires une coalition.
Il observait que la première coalition avait livré à la France, la Belgique et la Hollande ; que la seconde lui avait donné le Piémont et l'Italie ; que la troisième pourrait lui donner de nouvelles côtes et de nouveaux ports. Cette leçon de politique qui n'est point suspecte dans la bouche d'un citoyen anglais, pourrait l'être dans ce journal ; elle n'en est pas moins vraie. Dans les circonstances actuelles, il n'y a d'avantageux pour l'Angleterre, et de profitable pour son commerce, qu'une paix juste et raisonnable.
Que l'Angleterre se persuade bien que les Français d'aujourd'hui, élevés et endurcis dans les camps, ne sont plus les Français du temps de Louis XV ; que le temps où elle imposait un traité de commerce au cabinet de Versailles est presque aussi loin de nous que le temps où elle avait un commissaire à Dunkerque. L'empereur l'a très-bien dit au roi d'Angleterre : le monde est assez grand pour les deux nations ; disons mieux, pour tous les peuples.
Paris, le 27 thermidor an 13 (15 août 1805).
Note inscrite dans le Moniteur, en réponse à cette phrase d'un journal anglais : «Que l'ennemi vienne (les Français) quand il voudra, il nous trouvera préparés à châtier sa témérité, et à changer son audacieuse entreprise en une destruction certaine pour lui-même.»
Et pourquoi l'ennemi ne vient-il pas ? Nous verrions de qui l'événement châtierait la témérité. Nous connaissons votre généralissime ; nous l'avons vu à Hondscoot et en Hollande ; le tiers de l'armée de Boulogne suffirait pour changer ses audacieuses entreprises en une destruction certaine ; mais quoi que vous en disiez, vous savez comme nous ce que vous pouvez attendre d'une lutte sur terre. Quant à la guerre de mer, vous avez acquis sans doute, et vous conservez jusqu'à ce jour une
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