Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome IV.
toutes sortes de sarcasmes. L'incendie gagna toutes les tètes. Le duc de Brunswick (blessé très-grièvement), homme connu pour être sans volonté et sans caractère, fut enrôlé dans la faction de la guerre. Enfin, le mémoire étant ainsi appuyé, on le presenta au roi. La reine se chargea de disposer l'esprit de ce prince, et de lui faire connaître ce qu'on pensait de lui. Elle lui rapporta qu'on disait qu'il n'était pas brave, et que, s'il ne faisait pas la guerre, c'est qu'il n'osait pas se mettre à la tête de l'armée. Le roi, réellement aussi brave qu'aucun prince de Prusse, se laissa entraîner sans cesser de conserver l'opinion intime qu'il faisait une grande faute.
Il faut signaler les hommes qui n'ont pas partagé les illusions des partisans de la guerre. Ce sont le respectable feld-maréchal Mollendorf et le général Kalkreuth.
On assure qu'après la belle charge du neuvième et du dixième régiment de hussards à Saalfeld, le roi dit : «Vous prétendiez que la cavalerie française ne valait rien, voyez cependant ce que fait la cavalerie légère, et jugez ce que feront les cuirassiers.
Ces troupes ont acquis leur supériorité par quinze ans de combats. Il en faudrait autant, afin de parvenir à les égaler ; mais qui de nous serait assez ennemi de la Prusse pour désirer cette terrible épreuve ?»
L'empereur, déjà maître de toutes les communications et des magasins de l'ennemi, écrivit le 12 de ce mois la lettre ci-jointe (nous l'avons rapportée à son ordre de date), qu'il envoya au roi de Prusse par l'officier d'ordonnance Montesquiou.
Cet officier arriva le 13, à quatre heures après midi, au quartier du général Hohenlohe, qui le retint auprès de lui, et qui prit la lettre dont il était porteur.
Le camp dit roi de Prusse était à deux lieues en arrière. Ce prince devait donc recevoir la lettre de l'empereur au plus tard à six heures du soir. On assure cependant qu'il ne la reçut que le 14, à neuf heures du matin, c'est-à-dire, lorsque déjà l'on se battait. On rapporte aussi que le roi de Prusse dit alors : «Si cette lettre était arrivée plus tôt, peut-être aurait-on pu ne pas se battre ; mais ces jeunes gens ont la tête tellement montée, que s'il eût été question hier de la paix, je n'aurais pas ramené le tiers de mon armée à Berlin.»
Le roi de Prusse a eu deux chevaux tués sous lui, et a reçu un coup de fusil dans la manche.
Le duc de Brunswick a eu tous les torts dans cette guerre ; il a mal conçu et mal dirigé les mouvemens de l'armée ; il croyait l'empereur à Paris, lorsqu'il se trouvait sur ses flancs ; il pensait avoir l'initiative des mouvemens, et il était déjà tourné.
Au reste, la veille de la bataille, la consternation était déjà dans les chefs ; ils reconnaissaient qu'on était mal posté, et qu'on allait jouer le va-tout de la monarchie.
Ils disaient tous : «Eh bien ? nous paierons de notre personne». Ce qui est, d'ordinaire, le sentiment des hommes qui conservent peu d'espérance.
La reine se trouvait toujours au quartier-général à Weimar ; il a bien fallu lui dire enfin que les circonstances étaient sérieuses, et que le lendemain il pouvait se passer de grands événemens pour la monarchie prussienne. Elle voulait que le roi lui dît de s'en aller ; et, en effet elle fut mise dans le cas de partir.
Lord Morpelh, envoyé par la cour de Londres pour marchander le sang prussien, mission véritablement indigne d'un homme tel que lui, arriva le 11 à Weimar, chargé de faire des offres séduisantes, et de proposer des subsides considérables. L'horizon s'était déjà fort obscurci, le cabinet ne voulut pas voir cet envoyé ; il lui fit dire qu'il y avait peut-être peu de sûreté pour sa personne, et il l'engagea à retourner à Hambourg, pour y attendre l'événement. Qu'aurait dit la duchesse de Devonshire, si elle avait vu son gendre chargé de souffler le feu de la guerre, de venir offrir un or empoisonné, et obligé de retourner sur ses pas tristement et en grande hâte ? Ou ne peut que s'indigner de voir l'Angleterre compromettre de la sorte des agens estimables et jouer un rôle aussi odieux.
On n'a point encore de nouvelles de la conclusion d'un traité entre la Prusse et la Russie, et il est certain qu'aucun Russe n'a paru, jusqu'à ce jour, sur le territoire prussien. Du reste, l'armée désire fort les voir ; ils trouveront Austerlitz en Prusse.
Le prince Louis-Ferdinand de Prusse, et les autres
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