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Par ce signe tu vaincras

Par ce signe tu vaincras

Titel: Par ce signe tu vaincras Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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visage se contracter de plaisir à chaque fois que le supplicié poussait un cri ou demandait grâce, c’est-à-dire implorait qu’on l’achève.
    À ce moment Dragut faisait interrompre le supplice afin que le chrétien recouvre un peu de forces et que la souffrance à venir n’en soit que plus vive.
    Il ne pouvait s’empêcher de sourire. En nous regardant, nous les esclaves, il jouissait de notre silence, de notre soumission, de notre effroi. Il se convainquait qu’il aurait pu être, s’il le décidait, le meurtrier du genre humain.
    Et il n’ordonnait ces supplices quotidiens que pour mieux s’en persuader, choisissant ses victimes presque toujours au hasard.
    L’un de nos gardiens, Azal, avait murmuré à Sarmiento, son visage exprimant le dégoût :
    — Il fait le mal pour le plaisir de le faire, et parce que son penchant est à la cruauté.
    Azal avait ajouté en baissant la tête :
    — C’est un renégat. Il salit notre religion comme il a sali la vôtre. Mais c’est le capitan-pacha, il est le maître.
    Lorsque Dragut quittait Alger pour mener la guerre de course à la tête de ses galères, on continuait de tuer et supplicier devant son fauteuil vide.
    Ces jours-là, je quittais le bagne. Nos gardiens le toléraient : nous étions les « captifs de rançon » et n’avions aucun intérêt à prendre le risque de fuir puisqu’on nous rachèterait et que Dragut avait donné ordre qu’on ne nous tuât point.
    Parfois l’un d’entre nous, impatient, ou bien sachant que personne ne verserait pour lui une rançon, tentait néanmoins de s’évader.
    Aucun n’a réussi, me confiait Michele Spriano.
    Les fugitifs étaient repris, pourchassés par les paysans, les bergers ou les pêcheurs.
    La plupart ne réussissaient même pas à quitter Alger. Ils étaient trahis par les complices qui avaient juré de les aider et qu’ils avaient payés. Il s’agissait le plus souvent de renégats, de Maures que les Turcs méprisaient. Mais les uns et les autres, pour gagner quelques ducats, livraient les chrétiens qui s’étaient confiés à eux.
    Malheur à ceux sur qui Dragut posait à nouveau sa patte !
    Les supplices qui leur étaient infligés pouvaient durer tout le jour. L’un était condamné à deux mille coups de bâton. L’autre était enterré jusqu’aux épaules ; on plaçait autour de sa tête des morceaux de viande afin que les chacals, les hyènes ou même les chiens soient attirés et le dévorent.
    Celui-là ne mourait qu’à l’aube et ses cris nous glaçaient d’effroi.
    Je rentrais dans la bâtisse, tête baissée, accablé.
    Je me recroquevillais, les yeux clos.
    J’écrasais mes oreilles avec les poings.
    J’avais envie de me fracasser la tête contre les murs.
    Ne plus voir. Ne plus entendre. Ne plus penser. Ne plus espérer.
    Lasciate ogni speranza voi ch’entrate.
    Je me tournais, j’invectivais Sarmiento :
    Speranza ?
    Qu’il se demande ce que pensait de ce mot le chrétien, notre frère, dont le visage, la nuque, les épaules venaient d’être déchirés, dévorés par les chacals, les hyènes, les chiens. Avec leurs pattes, ceux-ci devaient maintenant gratter le sol pour déterrer le corps et n’en plus laisser, collés aux ossements, que quelques lambeaux de chair sur lesquels viendraient s’agglutiner des myriades de mouches avant que des fourmis grosses comme l’ongle ne s’y répandent à leur tour.
    Speranza ?
    « Laissez toute espérance, vous qui entrez ici ! »
    Parfois Sarmiento venait à moi, me prenait par le col de la chemise, me secouait : n’avais-je plus confiance en Dieu ?
    Il m’est arrivé, Seigneur, mais j’étais jeune encore, peu aguerri, de me laisser tomber contre la poitrine de Sarmiento et de sangloter. Alors il me parlait. Il me rassurait. Deux moines, qu’on appelait rédempteurs, le père Juan Gil et le père Verdini, étaient arrivés à Alger, chargés de payer les rançons des captifs de rachat. Ils transportaient avec eux plusieurs milliers de ducats.
    J’ai tremblé. J’ai été tenté de crier de joie.
    J’étais sûr que le père Verdini n’avait fait le voyage que pour moi. Il allait m’arracher à cet enfer plus profond, plus obscur chaque jour.
    J’ai attendu sa visite avec impatience, expliquant à Sarmiento et à Spriano qu’une fois libre je collecterais en Italie, en Espagne, les sommes nécessaires à leur propre rachat. J’affréterais une frégate, avec un équipage sûr, pour enlever

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