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Par ce signe tu vaincras

Par ce signe tu vaincras

Titel: Par ce signe tu vaincras Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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de Mons ainsi exposée, examinée comme une femelle qu’on vend.
    J’ai prié, Seigneur, pour que Votre châtiment foudroie ces hommes-là ! J’ai fait le serment de les combattre, de les vaincre, de les chasser des terres chrétiennes !
    Sarmiento, moi et quelques autres avons été séparés du reste des captifs.
    Cependant qu’on nous guidait hors de la place, je n’ai pu m’empêcher de me retourner, de regarder vers cette estrade, d’imaginer, les larmes me brouillant les yeux, que cette jeune femme autour de laquelle s’agglutinait la convoitise de tous ces hommes était Mathilde de Mons.
    Malheur sur eux, Seigneur !
    Nous avons marché vers les collines et bientôt découvert une grande bâtisse entourée de gardiens, le bagne où Dragut retenait les chrétiens qu’il ne mettait pas en vente, espérant obtenir pour eux de fortes rançons.
    Dans ce bâtiment, peut-être une écurie, vivaient parfois depuis des années des captifs qui attendaient que leur famille, leurs amis, les ordres religieux auxquels ils appartenaient, eussent rassemblé les centaines ou les milliers d’écus à quoi était estimée leur liberté.
    Ils nous ont entourés.
    L’un d’eux, le visage amaigri cerné par un fin collier de barbe grisonnante, m’a pris le bras et m’a dévisagé, la tête penchée.
    — Tu es jeune, a-t-il murmuré. Dragut ne te lâchera pas. Il aime ceux qui sont jeunes.
    J’ai dégagé mon bras. Cet homme m’insultait : imaginait-il que je céderais à Dragut ? Qu’on m’écorche vif, plutôt !
    Il a souri comme s’il avait lu dans mes pensées. Il s’est incliné, s’est présenté. Il se nommait Michele Spriano, marchand de Florence. Il avait été capturé alors qu’il se rendait sur une galère génoise de Pise à Barcelone.
    Il m’a invité à m’asseoir près de lui, à partager les fruits qu’il achetait aux gardiens.
    — Les hommes peuvent être bons ; rester des humains quelle que soit leur religion, a-t-il murmuré.
    Il m’a empêché de lui répondre.
    — Apprends à voir, a-t-il ajouté. Ici souviens-toi de Dante :
    Per me si va nella citta dolente
    Per me si va nel eterno dolore
    Per me si va tra la perduta gente
    Lasciate ogni speranza voi ch’entrate.
    Avec moi vous entrez dans la ville de la souffrance
    Avec moi vous entrez dans la douleur éternelle
    Avec moi vous allez parmi les damnés
    Laissez toute espérance, vous qui entrez ici.
    J’ai repoussé les fruits qu’il me tendait. J’ai dit, comme autrefois Sarmiento :
    —  Speranza.
    Michele Spriano m’a étreint le poignet.
    — Tu es de bonne graine, a-t-il murmuré.

13.
    Seigneur, j’ai vécu enchaîné durant sept années.
    Pourtant, mes poignets et mes chevilles n’ont pas été liés tous les jours. J’ai pu marcher, libre de mes gestes et de mes pas, seul dans les ruelles d’Alger.
    Des renégats – faut-il que je me souvienne de Mocenigo le chirurgien, de Ramoin l’armurier, du Génois et du Provençal ? – m’ont ouvert les portes de leurs échoppes, puis de leur maison.
    J’ai vu les patios ombragés, les femmes alanguies. J’ai deviné les coffres remplis de ducats.
    Ils me confiaient qu’une religion vaut l’autre. Qu’ici, à Alger, on finissait par oublier quelle avait été celle de sa naissance. Juive, chrétienne, peu importait. Il suffisait de se convertir, et les musulmans n’y contraignaient personne, à la différence des catholiques qui persécutaient tous ceux, maures, juifs et maintenant huguenots, qui ne se pliaient pas à leurs règles. Les musulmans souhaitaient même que l’on restât de sa religion, et souvent y faisaient rentrer à coups de bâton ceux qui avaient fait mine de se convertir. C’est que le renégat devenu musulman cessait d’être un esclave et avait des droits égaux à ceux des plus anciens parmi les infidèles. Mocenigo, le Génois, qui avait fait le pèlerinage de La Mecque, était respecté comme l’un des plus saints hommes d’Alger. J’ai fui ces tentateurs.
    Libre était mon pas, mais prisonnier, mais enchaîné mon cœur.
    Je suis monté sur les remparts. J’ai contemplé cette ville aux cent mosquées, j’ai écouté les voix des muezzins qui s’entremêlaient, dessinaient de longues spirales aiguës.
    J’ai pu m’approcher, au-delà des remparts, de la demeure de Dragut, en longer les murs, écarter les branches des lauriers et des orangers pour tenter d’apercevoir ce jardin où j’imaginais que Mathilde de Mons

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