Notre France, sa géographie, son histoire
PRÉFACE
J'étais absorbée dans la composition du second volume des Souvenirs de M. Michelet, quand mon attention fut tirée d'un autre côté
par la venue, presque simultanée, d'une demi-douzaine de lettres de professeurs
et d'instituteurs qui me faisaient, en termes à peu près identiques, cette même
question :
« Pourquoi ne complétez-vous pas les Précis de l'Histoire de
France par la Géographie que Michelet a mise en tête de sa France du
moyen âge ? La description d'un pays étant, en un sens, la clef de
son histoire, il nous semble que c'est par là que vous auriez dû, logiquement,
commencer. »
Ces observations me venaient mal à propos ; mais enfin elles
étaient justes ; il fallait bien en tenir compte.
Au même moment, comme s'il y avait entente entre les universitaires,
le directeur de l'enseignement supérieur, M. Dumont, en me remerciant d'un
exemplaire que je lui avais offert, m'écrivait ceci :
« C'est cette intensité de flamme pour les choses de
l'intelligence et du cœur qu'il faudrait donner à nos enfants. Sans cela, nous
n'aurons rien fait, malgré les sacrifices de l'État et tant de bon vouloir de
tous les côtés. Nous vous sommes donc très reconnaissants de tout ce que vous
faites de si effectif , de si réel pour le progrès de
l'instruction et de l'éducation. A vrai dire, éducation et instruction sont une
même chose en notre pays... »
Cette lettre, qui sanctionnait la valeur pédagogique de mes travaux
m'invitait, plus loin, à les continuer. Venant d'un homme de si grande valeur,
— hélas depuis nous l'avons perdu, — cette invitation était presque un
ordre.
Je me décidai donc à différer la publication du volume des Souvenirs pour faire droit aux légitimes réclamations de ceux qui
m'écrivaient encore : « Travaillez pour nous qui avons si grand
besoin de nous retremper, de recevoir l'aliment moral que nous donnons, à notre
tour, à la jeunesse. »
A vrai dire, ma besogne eût été facile si je m'étais bornée à la
réimpression pure et simple du Tableau de la France . Mais j'avais pour
l'étendre et le compléter des matériaux laissés par M. Michelet dans ses
cartons : il eut été grand dommage de ne pas les utiliser.
Parmi ces notes, il en est une qui devait me servir de guide dans mon
travail parce qu'elle expose, à merveille, la méthode que M. Michelet eût
suivie lui-même pour développer sa première esquisse trop rapide et trop
brève :
« Je voyais, dit-il, si vivement les lieux et les hommes que je
mettais en scène, que j'ai fait cela sans tâtonnements, tout d'un trait, sans
reprendre haleine, juste le temps nécessaire pour l'écrire. C'est, en réalité,
un voyage immense, à tire d'aile, dans l'espace et dans le temps... Je savais
bien que cette vive silhouette géographique était insuffisante pour celui qui
ignore, mais l'essentiel serait obtenu si le lecteur, dès la première page,
prenait intérêt à me suivre dans le long pèlerinage que j'allais accomplir à
travers les siècles de l'histoire. Chemin faisant, celle-ci, reprenant ma
description trop sommaire, en élargirait les horizons et ferait circuler dans
les paysages trop concentrés plus d'air et de lumière... »
L' Histoire générale a repris, en effet, chaque province à
l'heure ou, sortant de l'indistinction confuse », elle entre en scène et
devient un des acteurs du drame ou de l'épopée nationale.
Ce qui seulement échappait aux prévisions de l'historien, c'est que
tout le monde ne lit pas sa grande Histoire , — les élèves de nos lycées,
par exemple, même ceux des classes avancées, — ce qui est regrettable. Les
professeurs s'en servent quand on la leur donne ; mais souvent, pressés
par l'heure, ils n'ont pas toujours le temps de rechercher dans des milliers de
pages ce qui peut intéresser l'objet de leur enseignement. Lorsque surtout ce
ne sont que des lignes ou des lambeaux de phrases jetés au courant du récit,
une lecture rapide peut facilement s'en distraire. Et pourtant ces lignes, ces
phrases, reprises et mises à leur vraie place, dans le Tableau de la
France , en augmentent singulièrement la valeur pratique.
J'avais encore une précieuse ressource dont M. Michelet ne parle
pas : son Journal de voyage . Quand notre historien publia sa Géographie (1833), il n'avait vu de la France qu'une partie des Ardennes
— le
Weitere Kostenlose Bücher