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Par ce signe tu vaincras

Par ce signe tu vaincras

Titel: Par ce signe tu vaincras Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Espagnols, vous resterez un Français, quoi que vous leur disiez ! Ils ne vous égorgeront pas, mais vous étoufferont. Vous savez ce qu’est le garrot ? On vous brise la nuque en vous écrasant la gorge. Ils font ça lentement. Ou bien – il m’avait tapoté l’épaule – ils vous livreront à l’Inquisition, et le grand juge vous condamnera au bûcher ou aux galères comme huguenot ou renégat.
    Il s’était penché vers moi.
    — Thorenc, je vous le dis : je préfère un Turc à un Espagnol ! Venez donc avec moi à La Rochelle. C’est votre pays, le royaume de France !
    Il m’avait retenu, serré contre lui.
    — Votre royaume, Thorenc ! avait-il répété.
    Je l’avais écarté et avais sauté dans la chaloupe.
    — Mon royaume est ma foi ! avais-je répondu au moment où l’embarcation s’éloignait du navire. Je suis du pays qui fait la guerre aux infidèles, non de celui qui s’allie à eux.
    — Louis de Thorenc, votre père…, avait crié Robert de Buisson.
    J’ai pensé, sans osé répondre en ces termes à Robert de Buisson : « Je n’ai pas d’autre père que Dieu ! »
    Puis j’ai regardé avancer vers moi la terre d’Espagne.
    En voulant la fouler plus vite, j’ai trébuché et suis tombé sur le rivage, recouvert par l’écume blanche des vagues.
    Je suis resté longtemps les bras en croix, la bouche dans le sable humide et froid.
    Cette mer qui me recouvrait, c’était l’eau du baptême d’un homme à nouveau libre.
    Je gravis la colline. Le soleil s’élève et, avec lui, renaît le bruissement entêtant des insectes.
    Je m’arrête à chaque pas. J’écoute. Je me tourne vers l’horizon. Le navire de Robert de Buisson a déjà doublé le cap. J’aperçois seulement le haut de sa voile. La mer dans la baie est une étendue vide et bleue, elle mesure l’espace qui me sépare désormais de l’enfer.
    Je suis libre sur une terre chrétienne !
    Je retrouve Michele Spriano au sommet de la colline.
    Tout à coup, j’entends, venant d’au-delà de cette forêt de chênes-lièges qui s’étend devant nous, le son des cloches qui, parfois, s’estompe ou se rapproche.
    C’est mon cœur qui résonne. Chaque note est le battement de ma liberté. Je suis de retour chez moi. La cloche chasse la voix aiguë du muezzin.
    Michele Spriano tend le bras.
    Au loin, je devine le clocher dressé au-dessus des toits rouges.
    Au diable les minarets et les terrasses blanches d’Alger !
    Je dévale la pente de la colline, suivi par Spriano. Nous atteignons la forêt. Je cours plus que je ne marche vers cette église. Voilà sept années que je n’ai pu m’agenouiller devant un autel, dans Ta Maison, Seigneur !
    Nous traversons des clairières, étangs verts dans la rousseur du sol. À quelques pas, j’aperçois un jeune berger assis contre un arbre. Il taille une branche, relève la tête, se dresse. Il crie, le visage déformé par l’effroi :
    — Les Maures, les Maures sont au pays ! Aux armes !
    Il détale entre les arbres malgré nos appels. Nous nous arrêtons. Nous nous regardons : couverts de poussière, nos tuniques, nos foulards, nos gilets, nos turbans sont ceux que nous avions revêtus pour nous glisser à bord du navire français. Ces hardes ont trompé le berger. Je les arrache comme une peau sale qui m’a si longtemps collé au corps que je l’ai oubliée ; il a fallu ce cri de terreur du berger pour que je la sente me défigurer, m’oppresser.
    Brusquement, des cavaliers surgissent, nous entourent, nous poussent de leurs lances.
    Je tente d’empoigner la hampe d’une de ces armes, et crie.
    J’ai appris l’espagnol durant mes sept années d’enfer. Spriano le parle encore mieux que moi. Je me frappe la poitrine du poing.
    — Chrétiens, esclaves des infidèles ! Captifs de rançon, évadés des bagnes d’Alger, voilà ce que nous sommes !
    Je répète sans fin ces mots. L’homme qui commande la petite troupe est aussi brun qu’un Maure. Ses yeux sont perçants comme ceux de Dragut. Il me frappe du plat de sa lance et s’exclame :
    — Renégats, espions des Barbaresques ! dit-il, en me piquant la gorge de la pointe de sa lance.
    Je crie encore :
    — Nous sommes les compagnons de Diego de Sarmiento. Sarmiento !
    Il écarte son arme.
    Nous marchons vers le village. Dès que nous avons atteint les premières maisons, des paysans se rassemblent et nous font cortège. Les femmes nous maudissent, les hommes nous lancent des

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