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Par ce signe tu vaincras

Par ce signe tu vaincras

Titel: Par ce signe tu vaincras Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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pierres.
    Sur la place, devant l’église, un paysan accroche à la branche d’un des platanes une corde terminée par un nœud coulant.
    Seigneur, voulez-Vous que nous mourions ici sur la terre chrétienne retrouvée ?
    Un prêtre sort de l’église, repousse les villageois, nous dévisage. Râblé, la tête rasée, ses gestes sont vifs.
    Je répète :
    — Diego de Sarmiento, notre compagnon de chiourme et de bagne, était de Grenade. Le roi des Espagnes, Philippe, a payé sa rançon. Diego de Sarmiento : chrétien comme moi, comme nous !
    Le prêtre nous entraîne à l’intérieur de l’église. Je ferme les yeux.
    Cette fraîcheur, cette odeur d’encens… Ce murmure des femmes en prière…
    J’entre dans le confessionnal. Le prêtre l’a exigé. Dans la pénombre, j’entends sa respiration rauque. J’appuie ma tête contre le bois.
    Il me questionne. Et tout ce que j’ai cru emporté, lavé par le ressac et l’écume blanche, alors que j’étais recouvert par les vagues, revient, m’habite et m’obsède.
    Je dis Dragut et Mathilde de Mons.
    Je dis les suppliciés, les écorchés et les fendus, les tailladés et les dévorés.
    Je dis Cayban.
    Je dis mes mains autour du cou de ce renégat dont le corps glisse contre le mien et devient si vite aussi froid que la terre au crépuscule.
    Le prêtre m’absout.
    Il m’informe que l’oncle de Sarmiento, don Garcia Luis de Cordoza, est capitaine général de Grenade. Et que le comte Diego de Sarmiento est auprès de Philippe II, régent d’Espagne :
    — Mais Dieu seul sait où ! Notre régent parcourt le monde aux côtés de son père l’empereur.
    Le père se signe.
    Il nous fera accompagner à Grenade, chez don Garcia.
    Nous quittons l’église. Le soleil brûle la terre, la peau, les yeux.
    Le prêtre bouscule et harangue les paysans qui sont restés rassemblés.
    — Ce sont de bons chrétiens, dit-il en nous montrant. Ils reviennent de l’enfer. Priez pour eux qui ont vécu esclaves des infidèles, soumis à la loi de Lucifer !
    Je regarde les visages des hommes qui nous entourent : Maures, Espagnols ? Faux convertis ou vrais chrétiens ?
    Ils ont le teint mat. Ils ressemblent aux infidèles qui m’ont si souvent dévisagé sans compassion dans les ruelles de Toulon ou d’Alger.
    La foi n’est-elle pour la plupart qu’un masque derrière lequel grimace la bête démoniaque ?
    Ma joie d’être libre pour la première fois se voile.
    J’ai peur de penser comme un mécréant, un hérétique, un païen.
    Seigneur, ne peut-on quitter l’enfer qu’en quittant la vie ?
    Et cette terre où nous passons notre vie charnelle est-elle seulement le royaume de la souffrance, l’empire de Lucifer ?
    Mais si le Mal y règne, comment y défendre le Bien ?
    Comment condamner ceux qui se soumettent à la loi du diable, si elle règne ici sans partage ?
    Je marche tête baissée.
    Je ne veux pas confier mes craintes et mes doutes à Michele Spriano, mais je sais que je vais devoir affronter de nouvelles tentations, de nouvelles épreuves.
    Une terre même chrétienne ne saurait être le paradis.

21.
    Seigneur, le jour de mes vingt-cinq ans, nous sommes entrés dans Grenade par la Puerta de Los Molinos.
    J’ai entendu des voix aiguës, des rires et des chants.
    Sur les berges de la rivière qui s’étirait entre les maisons ocre, les platanes et les collines, j’ai vu des femmes aux bras nus.
    J’ai détourné la tête.
    Le père Fernando, qui nous avait accompagnés depuis notre départ du village côtier de Veluz Málaga où nous avions passé notre première nuit de liberté, a saisi le bras de Michele Spriano et, de l’autre main, a montré la ville.
    J’ai voulu oublier la présence des femmes et l’écouter.
    Il parlait d’une voix exaltée.
    Depuis des siècles, disait-il, Grenade, capitale du royaume des infidèles, avait été comme une plaie au flanc de l’Espagne. Personne n’avait pu vaincre les rois maures. Ils avaient cru posséder cette terre chrétienne jusqu’à la fin des temps.
    Le père Fernando a tendu le bras, montré les collines, serré le poing.
    — Campo de Los Martiros, Carmen de Los Martiros…, a-t-il dit.
    Avec les os des martyrs chrétiens les Maures avaient construit leurs palais et leurs mosquées.
    Il a fait quelques pas, nous invitant à le suivre, et j’ai découvert, au sommet d’une des collines, ces hautes murailles crénelées, ornées de mosaïques, ce fier et grand palais de

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