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Par ce signe tu vaincras

Par ce signe tu vaincras

Titel: Par ce signe tu vaincras Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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aux infidèles. Mais dans cette salle du Presidio de Grenade les murmures étaient ceux du soupçon et de la moquerie.
    — Ils ont été, poursuivait le père Fernando, compagnons de chiourme et de bagne de votre illustre neveu, le comte Diego de Sarmiento, que Dieu le protège et l’éclairé dans les lourdes charges qui sont les siennes auprès de Notre Sainte Majesté, le roi Philippe II…
    D’un mouvement à peine esquissé de la main gauche, le capitaine général a interrompu le père Fernando. Ses doigts étaient noueux, crochus, déformés par la goutte ; ont eût dit de courtes griffes rougies surgies de ses mains boursouflées.
    — Un marchand toscan, a-t-il énoncé.
    Son visage exprimait le dédain, mais il n’a pas eu un regard pour Michele Spriano.
    — Un Français…
    Sa voix était tout aussi méprisante. Il m’a fixé longuement d’un air de dégoût, les paupières à demi fermées, si bien qu’il me fallait imaginer son regard.
    Je me suis souvenu de celui de Dragut-le-Brûlé, de Dragut-le-Cruel.
    — Français ! a-t-il répété.
    Il n’a pas posé de question mais a légèrement levé la tête, et, d’un petit coup de menton, suivi d’un autre, m’a ordonné de parler.
    J’ai regardé autour de moi. J’ai deviné tous ces visages dont la pénombre effaçait les traits. Les flammes des grands chandeliers faisaient briller l’or, les rubis, les diamants des colliers et des bagues.
    — Je suis Bernard de Thorenc, ai-je dit, vicomte, captif de rançon depuis plus de sept ans, chrétien, heureux, jusqu’à cet instant, d’avoir touché la terre catholique d’Espagne. Je demande à prendre place dans son armée, derrière son roi, pour combattre l’infidèle où qu’il soit.
    Je crois qu’en parlant j’ai martelé le parquet de mon talon droit.
    Le capitaine général s’est redressé, prenant appui sur ses accoudoirs. Il a répété « vicomte Bernard de Thorenc… » d’un ton si hostile que c’était comme s’il me souffletait.
    J’ai vu ses doigts se crisper sur les bras du fauteuil, comme si ses ongles s’y incrustaient, et un sentiment d’effroi – le même que celui qui m’avait envahi en face de Dragut – m’a paralysé.
    Puis tout mon être s’est révolté. Je me suis cambré. Je n’avais pas plié le genou devant Dragut-le-Cruel ; comment aurais-je pu céder devant ce vieillard aux joues grises ?
    Il a longuement parlé, Seigneur, et je n’oublierai jamais l’humiliation subie, la honte et la colère qui m’étouffaient.
    Je n’étais pourtant pas surpris par les accusations qu’il portait contre mon père. Ne l’avais-je pas moi-même rejeté ? Cependant, j’avais l’impression, en écoutant don Garcia Luis de Cordoza, qu’il m’écorchait, que chacun de ses mots m’arrachait un lambeau de chair, comme si, ses mâchoires m’ayant agrippé, ses dents s’incrustaient dans mon corps, dans mon âme pantelante.
    Il disait qu’il avait connu Louis de Thorenc – « le comte, cracha-t-il avec mépris, votre père » – à Madrid, à Milan, lorsqu’il s’agissait de négocier le montant de la rançon exigée par « notre grand empereur Charles Quint » pour libérer François I er , son prisonnier !
    — Que ne les ai-je tués tous les deux, le roi félon et son âme damnée, le comte, ton père, Louis de Thorenc !
    Il me tutoyait comme pour mieux me cingler au visage.
    Il s’adressait aussi à l’assistance dont les murmures, les exclamations ponctuaient ses propos.
    François I er et son fils Henri II, rois illégitimes puisqu’ils s’étaient opposés l’un et l’autre à l’empereur du Saint Empire romain. François, le père, complice de Soliman le Turc. Quant au comte Louis de Thorenc, après que son maître François eut recouvré la liberté, il s’en était allé jusqu’à Constantinople sceller l’alliance démoniaque avec le sultan contre l’empereur catholique, roi d’Espagne, Charles Quint, que Dieu le garde !
    Et, maintenant, Henri II, le fils, l’époux de cette perverse Catherine, florentine, fille de marchands, payait et dressait les princes hérétiques allemands contre leur empereur. Il recrutait pour eux des soldats, payait leur solde. Et qui allait d’un prince à l’autre pour les séduire, les corrompre, les convaincre de partir en guerre contre leur souverain légitime, « notre Charles Quint » ? Qui ? Le comte Louis de Thorenc, son fils Guillaume, et ce capitaine général,

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