Paris, 1199
Comme Cadoc intervenait
pour dire que Guilhem était aussi troubadour, le roi lui fit porter une viole
et lui demanda de jouer et de chanter. Tout le monde parut apprécier, sauf
Simon de Montfort qui gardait un visage fermé.
Mais toutes les questions du roi étaient en vérité
de peu d’intérêt pour lui, Guilhem devinait qu’il cherchait simplement à mieux
les connaître, et à savoir quel genre d’hommes ils étaient.
— Qu’allez-vous faire, maintenant, comte de
Huntington ?
— Je ne sais trop, sire. Je ne prendrai pas
le risque de rentrer en Angleterre, car le roi Jean cherchera à se venger de
moi. J’irai donc chercher mon escorte à Fontevrault et raconter à dame Aliénor
ce que j’ai appris…
— Lui direz-vous que Jean a fait tuer son
frère ?
— Non, je ne lui parlerai que d’une vengeance
de Templiers que Richard avait chassés. Ensuite, j’accompagnerai mon ami
Guilhem à Toulouse. Après, Dieu guidera mes pas…
— Si vous cherchez un loyal suzerain, comte,
vous l’avez trouvé en ma personne, déclara solennellement Philippe Auguste.
— Je vous rends grâce, sire, j’accepte votre
proposition qui me réchauffe le cœur, mais je ne resterai pas à Paris, pour
l’instant.
— Peu importe, il me suffit de connaître
votre dévouement. Et vous, Guilhem d’Ussel ?
— Je conduirai les tisserands à Toulouse
comme je m’y suis engagé, après quoi je m’occuperai de mon fief pour lequel je
rendrai hommage au comte d’Armagnac et à l’archevêque d’Auch. Comme le château
a été incendié, tout est à reconstruire.
— Ussel, je vous fais la même proposition
qu’au comte de Huntington. Cadoc m’a parlé de vous au dîner. Restez le fidèle
vassal de Raymond, mais rendez-moi hommage. Et si un jour vous me rejoignez,
vous trouverez à mon service richesse et honneur [65] .
Un silence poignant tomba dans la pièce tant la
proposition du roi était généreuse et inattendue. Locksley regarda Guilhem qui
opina lentement. Alors le comte de Huntington fit deux pas vers le roi qui lui
ouvrit les bras. Locksley plaça ses mains jointes dans celles de Philippe
Auguste, se donnant ainsi à lui. Il n’y eut pas de serment, seulement cet acte de
commende [66] qui dura quelques instants. Puis le Saxon revint à sa place. Guilhem fit
ensuite comme lui.
Ils étaient désormais des fidèles du roi de
France. Ils ignoraient que cela changerait leur vie.
Mais quand tout fut terminé, Simon de Montfort
intervint :
— Si j’ai un conseil à vous donner, Ussel,
c’est de reprendre votre liberté avec Toulouse. Notre roi vous cédera
facilement un fief. Ne vous compromettez pas avec Raymond de Saint-Gilles qui
protège des hérétiques. Un jour, la colère de Dieu s’abattra sur son pays et
sur tous ses vassaux.
— J’ai donné sincèrement ma foi à Raymond de
Saint-Gilles, seigneur de Montfort, et je ne crois pas que les cathares
offensent Notre Seigneur. Vous devriez mieux les connaître.
— Mettez-vous en doute la parole de notre
Saint Pontife ?
— Ce n’est ni le lieu ni l’heure pour une
discussion théologique, Simon ! le coupa le roi. Locksley et Ussel, frère
Guérin vous remettra une lettre pour Raymond de Saint-Gilles que je lui ai fait
préparer, ainsi qu’une somme suffisante pour votre voyage et un laissez-passer.
Que Dieu vous garde !
L’entretien était terminé. Ils saluèrent le roi,
Montfort et Cadoc et sortirent, accompagnés par frère Guérin. Une heure plus
tard, ils étaient à la Corne de Fer.
Anna Maria et Bartolomeo avaient fait le
nécessaire. Le prévôt de Paris avait rendu à Bartolomeo les clefs des maisons
des tisserands, mais aussi l’équipement qu’avait Locksley quand il avait été
pris dans la crypte. Les chevaux, armes, bagages et provisions étaient prêts et
déjà plusieurs cathares attendaient le départ avec impatience. Parmi eux,
Enguerrand qui n’avait rien emporté, et sa fille qui n’avait qu’un sac de
vêtements. En revanche, Geoffroi le tavernier avait un chariot plein de
tonneaux venant de son auberge.
Locksley, Guilhem et Anna Maria montèrent dans la
chambre. Là, Locksley poussa le coffre, puis creusa le mur à grands coups
d’épée. Guilhem dégagea les débris et sortit la statuette avec le sac de pièces
d’or d’Aliénor.
— Cette statue pèse au moins une centaine
d’onces [67] ,
fit-il en la soupesant, un sourire aux lèvres.
Il la tendit à Anna Maria qui la mit dans le
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