Paris, 1199
monastères les accueillaient. Les petits bourgs
étaient plus réticents mais on leur laissait toujours occuper quelque grange.
Ils ne firent aucune mauvaise rencontre jusqu’à la
Loire, sauf quelques Brabançons sans engagement que Robert de Locksley mit en
fuite avec ses flèches. Ensuite, ils pénétrèrent dans un pays ravagé par les
gens de Mercadier. Plusieurs fois, ils croisèrent des troupes plus fortes
qu’eux mais, par chance, il y eut à chaque fois parmi eux un chevalier capable
de lire le laissez-passer d’Aliénor. Ce fut l’un d’eux qui les conduisit à
Fontevrault où les deux écuyers de Locksley et ses hommes d’armes
l’attendaient. De là, ils firent route jusqu’à Poitiers où la duchesse
d’Aquitaine s’était installée pour recevoir les hommages de ses vassaux.
La mort de son fils et la fréquentation de
Mercadier avaient changé Aliénor d’Aquitaine. À soixante-quinze ans, celle qui
avait décidé de finir ses jours comme religieuse à Fontevrault était devenue un
chef de guerre sans pitié, combattant avec une rare férocité ceux qui
soutenaient les droits de son petit-fils Arthur.
Mercadier étant en Guyenne, Robert de Locksley fut
reçu seul par la duchesse. Il lui remit la statuette, lui raconta les
événements qu’il avait vécus et lui affirma que le trait qui avait tué Richard
avait été empoisonné par deux Templiers félons, l’un d’eux avait été tué en
ordalie par son ami Guilhem, l’autre était en fuite.
Elle resta longtemps silencieuse après ce récit,
tenant serré son chapelet entre ses doigts décharnés.
— Seigneur de Locksley, j’aurais aimé vous
connaître plus tôt, dit-elle enfin. Je comprends pourquoi mon fils vous aimait.
J’ai eu une longue vie, et j’ai vu bien des ignominies. Je sais que j’en verrai
d’autres avant ma mort. Je devine que vous ne voulez pas tout me dire, mais je
préfère ne pas savoir. Désormais seul m’importe que l’héritage des Plantagenêt
ne tombe pas dans l’escarcelle du roi de France. Voulez-vous rester à mon
service ? C’est moi qui m’occuperai désormais du duché d’Aquitaine. J’ai
besoin d’hommes tels que vous en ce temps d’épreuve.
— Ma reine, s’il n’y avait Mercadier et votre
fils Jean, vous savez que ce serait mon plus cher désir…
— Je comprends, fit-elle, le visage
inexpressif. Jean a mis votre tête à prix, mais en lui remettant cette statue,
je parviendrai peut-être à le faire changer d’avis. Je vous protégerai en
Aquitaine tant que je le pourrai. Qu’allez-vous devenir ?
— J’accompagne mon ami à Toulouse avec des
hommes et des femmes que le roi de France a chassés de Paris.
— Des hérétiques, m’a-t-on rapporté.
— Des chrétiens, ma dame.
— Je ne crois pas qu’ils le soient, fit-elle
durement. On m’a parlé d’eux et je crains qu’ils ne soient la cause de grands
malheurs à venir.
Elle ferma les yeux un moment avant
d’ajouter :
— Je ne sais si nous nous reverrons, comte de
Huntington. Mon trésorier vous remettra cinq cents pièces d’or. Avez-vous un
souhait ?
— On m’a dit que l’abbé du Pin est à
Poitiers. Pourrait-il être témoin d’un acte devant notaire afin de mandater
l’évêque de Hereford de vendre quelques-uns de mes biens ? J’ai confiance
en lui et je sais qu’il me fera parvenir mon argent.
— Je le ferai chercher et je serai aussi
témoin. Puis-je faire plus ?
Il tomba à genoux.
— Donnez-moi votre bénédiction, ma dame.
Ils partirent le lendemain.
FIN
Vrai ou faux ?
Y avait-il des cathares à Paris sous Philippe Auguste ? On l’ignore, mais on
sait que les cathares étaient nombreux parmi les tisserands. Or, les tisserands
étaient les principaux artisans de la rue de la Tisseranderie qui est devenue
la rue de Rivoli. Alors pourquoi n’y aurait-il pas eu des cathares parmi eux ?
La tour du Pet au Diable existait encore au XIX e siècle. On peut en voir une
coupe, avec ses sous-sols, dans l’ Atlas de Paris au Moyen Âge.
Le Monceau-Saint-Gervais perdit définitivement ce
qui lui restait d’autonomie sous le règne de Philippe Auguste. À la mort de
Robert de Meulan, en 1204, le roi l’annexa à la couronne. De nos jours, il
n’est plus que le quartier de l’Hôtel de Ville mais la rue du
Chevet-Saint-Gervais subsiste toujours, c’est la rue des
Barres, derrière l’église. La place Baudoyer, toute proche, marque
l’emplacement de la porte
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