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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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M. de Montcalm le Christ, mais point de la même guise : j’étais donc
un méchant ! un hors-la-loi ! un gibier de bûcher ! Et si sa
fille s’obstinait à m’aimer, la mort en cloître serait son lot ! Tout
plein d’un égoïsme si profond qu’il n’en apercevait même pas la racine, que de
sacrifices faisait M. de Montcalm à son propre salut, foulant nos jeunes vies
pour sa petite part de paradis, comme si la mort avait été le but, et non tout
bonnement le bout de sa vie !
    Ha !
certes, de mon côté, j’eusse bien pu, pour mon Angelina, accepter les idoles,
les saints, l’adoration de Marie, fût-ce du bout des lèvres, et même la confession
auriculaire (où déjà, comme on s’en ramentoit, j’avais été contraint au péril
de ma vie par les moines du Baron de Caudebec) mais eussé-je pu me résigner par
un renoncement public à navrer si grièvement mon père et Sauveterre !
Ha ! Fogacer avait bien dit ! J’étais davantage d’un parti que d’une
Église : le zèle des Églises ne m’échauffait en aucune sorte, je n’en
voyais que trop les inhumains effets partout où je portais les yeux. Mais
comment arracher de mon cœur sans le gâter tout à fait et me le rendre à
moi-même haïssable la fidélité à ce père que tant j’aimais, à l’oncle
Sauveterre, à Samson, à Mespech dont les pierres elles-mêmes eussent crié
contre cet abandon.
    Souffrir est
un très long moment. Et que le temps nous dure quand la dolance est là !
La pire étant bien celle qui vous laisse l’œil sec, le cœur tant navré, et
l’entendement si hors de ses gonds qu’on ne sait plus si on est vivant à demi,
ou mort plus qu’à moitié, tant l’avenir se dresse comme un mur au-travers de
quoi on ne peut ni ne veut passer, n’ayant plus la force de désirer rien, hors
l’être qui s’éloigne.
    La voyant déjà
enfermée au tombeau d’un cloître au milieu de ces pauvres nonnes aigries dans
le vinaigre de la chasteté et sur elle, tant jeune et belle, s’en
revanchant – comme si ce fût un péché d’avoir tant à se glorifier dans la
chair, la leur étant restée stérile –, je doutai même si je ne devais pas
désirer pour elle un moindre mal et plutôt que le couvent, un mari, fût-ce un
sot, et une progéniture qui de son époux l’eût au moins consolée, combien
qu’elle fût issue de lui. Havre de grâce ! Ce ne fut que l’élan ou l’oblat
d’un moment : je ne pus continuer à cette hauteur-là, tant il est
difficile de former un vœu à l’encontre de son propre sang. J’eusse été chattemite
de me vouloir si sublime plus du quart d’une minute, et de lui souhaiter
d’autres enfants que de moi et de ma grande amour ; le pensement seul m’en
navrait davantage.
    Je ne sais
combien d’heures je passais à ce grand martèlement et batture de tête, à
s’teure étendu à plat le ventre sur mon étroite couche, le nez dans mes bras
repliés, à s’teure marchant qui cy qui là dans ma chambrifime, ne voyant même
point le soleil baisser, tant il faisait peu jour dans mon cœur, jetant un œil
quand et quand par mon fenestrou au cimetière des Innocents comme si j’eusse
aspiré, en la fleur de mon âge, à la puanteur de cet anéantissement.
    On toqua à
l’huis. J’allai ouvrir en chancelant. C’était mon beau Samson, qui de prime
dans ses bras me saisit, ayant appris de Fogacer, alors qu’il me cherchait pour
aller souper, que je n’avais retrouvé mon Angelina que pour la perdre. Gertrude
du Luc, à son tour entrant, demanda le pourquoi des larmes qu’il versait, je
m’assis, mes genoux étant sans force, et d’une voix terne et lasse leur fis un
récit de peu de suite et cohérence. Et Samson ne pouvant, au désespoir de me
voir si avant dans la malenconie, tarir ses pleurs, Gertrude en versa à son
tour. Je la vis se couler devant moi à genoux, la vertugade faisant autour de
sa taille comme une corolle étalée, et, me prenant les deux mains dans les
siennes, elle entreprit de me consoler, comme elle eût fait d’un enfant, avec
une douceur si tendre et si féminine que je fus comme étonné de lui trouver
tant de cœur, l’excès de ses sens m’en ayant fait douter. Distrait de mon
malheur par le sentiment de l’injustice qu’en mon for je lui avais faite, je
lui rendis en un clin d’œil l’estime que j’avais eue pour elle avant qu’elle
trompât mon Samson avec Cossolat ; elle le lut incontinent dans mes yeux,
je la sentis tout

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