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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Vous ne connaissez point la rue des Sablons !
    — Te la
demanderais-je, si je la connaissais ?
    — Mais
Monsieur, qui ne connaît la rue des Sablons ?
    — Moi,
qui arrive du Périgord.
    — Le
Périgord, dit le gautier, toujours fort hautain, je n’ai jamais ouï de cet
état.
    — Aussi
n’est-ce point un état, mais une province du royaume.
    — Une
province, Monsieur, s’écria l’effronté gautier, d’un air d’immense déprisement,
vous vivez en province ? Havre de grâce, comment y vivez-vous ?
    — Mieux
qu’à Paris
    — Ha !
Monsieur ! Cela ne se peut ! Seul un âne peut trouver de la commodité
à brouter dans les plats pays.
    — Moussu !
me dit Miroul en oc, dois-je donner de la botte à ce compagnon incivil ?
    — Qu’est-ce ?
cria le guillaume. Quel baragouin est-ce là que celui-là jargonne ? Et que
dit-il ?
    — Qu’il
va, dis-je sourcillant, te donner de la botte pour payer ton discourtois
discours.
    — Ha !
Monsieur ! Il n’y a point offense ! cria le quidam, la crête fort
rabattue. À quoi, hâtivement, il ajouta : Au grand Châtelet, vous tournez
à main senestre et vous prenez le quai aux Foins. Et de là, vous traversez le
bras de Seine sur le pont Notre-Dame et tout droit jusqu’à l’autre bras, la rue
des Sablons est à votre senestre. C’est à ne s’y point tromper. L’Hôtel-Dieu
est là et Notre-Dame.
    — Villageois,
dis-je, merci.
    — Quoi !
s’écria-t-il, du ton le plus navré, vous m’appelez villageois !
    — Pour ce
que, dis-je, tu n’as jamais sailli de ton village et hors lui, pour grand qu’il
soit, tu ne connais rien.
    À quoi, me
cuidant peut-être fol et tenir de la lune, le quidam s’ensauva, jetant derrière
lui un œil effrayé. Et nous gaussant encore, Miroul et moi, tournâmes nos
montures par le chemin qu’il avait dit, jusqu’au pont Notre-Dame.
    Quand je
connus mieux Paris, je m’avisai d’une absurde étrangeté de cette grande ville
traversée qu’elle est par une forte rivière. La rive droite a un quai, et
quasiment continu du Louvre aux Célestins. La rive gauche n’en a point, sauf de
la tour de Nesle au pont Saint-Michel, et celui-là ne datant que d’une douzaine
d’années, et remplaçant une plantation de saules qui descendait jusqu’à l’eau.
Partout ailleurs, en ville même, on n’encontre que des berges de terre,
lesquelles inclinent par leur naturelle et insensible pente jusqu’au fleuve, ce
qui fait que ses crues, les inondant furieusement, montent si haut dans la ville
qu’en 1571 – d’après ce que j’ouïs – on ne pouvait traverser qu’en
bateau la place Maubert.
    Quant au quai
de la rive droite le long duquel nous chevauchions, ce n’est pas certes une
grande affaire. Il est partie maçonnerie et partie bois, mais les deux, hâtifs
et grossiers, et fort indignes du grand trafic qui s’y fait, lequel est de
foin, de paille et de bois. Le pont Notre-Dame, en revanche, sur lequel ensuite
nous nous engageâmes, me fit béer d’admiration : car il est si beau et si
large que trois chars peuvent y rouler de front, et bordé comme le pont
Saint-Michel de maisons toutes de même hauteur, bien appareillées en pierres de
brique et dont pas une ne passe l’autre en alignement, lesquelles maisons, en
outre, ont chacune un numéro, de un à soixante-huit, nouveauté que je trouve
admirable et qu’on devrait bien étendre à tout Paris où il est fort malaisé, ne
sachant que le nom de la rue, de trouver le gîte d’un ami, ne serait-ce que la
nuit venue, les voisins remparés derrière leur huis bien clos ne voulant ni
ouvrir, ni même vous répondre – sans compter encore l’inouïe difficulté du
cheminement des lettres, laquelle passe l’imagination, car les adresses sont de
la guise que je vis de mes yeux, pendant mon séjour à la capitale :
    Monsieur
Guillaume de Marmoulet,
    Noble homme
    Rue de la
Ferronnerie à Paris
    dont la maison
est sise à quatre maisons sur la dextre d’une maison face à l’aubépine du
cimetière des Saints-Innocents.
    N’est-ce pas
aussi une incrédible servitude (laquelle est source d’indiscrétions infinies)
d’avoir, le jour, à demander aux voisins où demeure l’homme que vous allez
voir, exposé que vous serez alors à l’effrénée badauderie des Parisiens, comme
j’en fis l’expérience ce matin-là, rue des Sablons où, ayant démonté, je
frappai à une porte de belle apparence pour m’enquérir du gîte de M. de

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