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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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côté, le chevalier de Vernongrèze voulut bien croire qu'un mal inconnu avait inspiré à Guillaume son méprisable comportement. Mon père et ma mère se rangèrent à l'avis commun et considérèrent mon frère comme une victime dans cette affaire. Il eut d'ailleurs le toupet de se plaindre très longtemps de cet incident dont il me soupçonna presque d'être l'instigateur – vous reconnaîtrez que c'était bien à moi de suspecter une cabale entre mes sœurs et lui. J'ai même souvent eu l'impression qu'il avait gagné mes parents à cette injuste thèse. Moins de deux années plus tard, mon père et ma mère étaient rappelés à Dieu à six mois d'intervalle, et j'ai bien peur qu'ils n'aient emporté avec eux cet affreux doute.
     
    Ce pitoyable tableau de mon mariage augurait de la médiocrité de ce qu'allait être ma vie conjugale. Sitôt l'anneau passé, mon épouse s'employa à refroidir les ardeurs qui m'animaient. D'une humeur austère le jour, elle entrait en pénitence la nuit. Et sa placidité résignée devant les assauts passionnés que je lui prodiguais les premiers temps de notre union a eu tôt fait de me convaincre d'aller chercher fortune dans d'autres couches. Durant de longues années, notre intimité ne suscita jamais chez elle le moindre émoi, preuve qu'à cet endroit comme en d'autres, nul n'est prophète en son pays. En 1751, son ventre daigna cependant m'accorder un fils que nous prénommâmes Adolphe, mais se tenant pour quitte, elle estima que l'art d'être une mère réclamait désormais de négliger celui d'être une femme. De cet instant, je puis le jurer, je ne la connus plus jamais comme un époux doit connaître son épouse. Ce jeûne ne parut pas l'affecter, son caractère n'en étant ni meilleur ni pire durant les quelques années où nous vécûmes encore ensemble. Pour ma part, on me disait séduisant, je me fis donc séducteur.
    Alentour de notre domaine, j'écumai tout ce que la Providence voulut bien offrir à mon oisiveté. Auprès de jeunes soubrettes faussement ingénues, avec de solides filles de ferme souvent prises d'assaut ou en compagnie de mûres voisines de bonne naissance qui capitulaient généralement après un bref siège, je me taillai une certaine notoriété dans la carrière de suborneur. Je fus promptement considéré comme un mauvais sujet par beaucoup d'honnêtes femmes. Et par les autres également, même si je n'ai pas souvenir d'avoir jamais reçu de blâmes quant à la qualité du commerce intime que j'entretins avec elles – je prie mon éventuel lecteur de me croire sur parole et je remercie le ciel des grâces qu'à cet endroit il voulut bien toujours m'accorder.
    Les commérages bruissèrent bientôt jusqu'aux oreilles de mon épouse qui décida cependant d'en faire le moins de cas possible, tant que le scandale public ne s'ajoutait pas à mes libertinages. Une fois ou deux, elle fit allusion aux possibles fruits de mes œuvres, mais seulement pour s'assurer que mon inconduite allait de pair avec une parfaite immoralité. Au cours de ces années, quelques pauvres filles séduites se piquèrent en effet parfois de me présenter des rejetons qu'elles disaient de mon fait ; je n'y ai jamais donné le moindre crédit et elles en furent quittes pour chercher ailleurs une autre paternité.
    Une fois, une affaire manqua cependant de prendre une fâcheuse tournure. La fille d'un petit hobereau dont la famille était alliée de la nôtre depuis des lustres fut au cœur d'un déplaisant incident dont je n'étais pas un peu le protagoniste. Âgée d'à peine dix-huit ans, cette jeune personne accompagnait régulièrement sa mère dans ses visites à mon épouse. Pourvue d'atouts très prometteurs, elle y ajoutait un piquant parfum d'effronterie qui, je ne sais pourquoi, l'encouragea à vouloir vérifier par elle-même si ma mauvaise réputation était fondée. Homme à la mode chez beaucoup de femmes des environs, j'évitais cependant soigneusement de braconner sur des terres amies. Excepté si le gibier venait narguer le chasseur.
    Comme je l'ai dit, la famille de la demoiselle était presque parente avec la nôtre, mais au cours de ses visites, il s'instaura entre nous un badinage discret, quoique fort clair quant à ses possibles suites. Un jour, elle corsa le divertissement en me mettant au défi de lui montrer des choses qu'elle disait ignorer. Sa demande était pressante – je le jure – et il ne fallut pas longtemps pour que nous trouvions

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