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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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l'occasion de nous retrouver seuls. En la matière, l'imagination des amants est au moins proportionnelle avec l'inconscience des dangers qu'ils encourent. Nous jugeâmes de concert que la petite rotonde située à deux pas de la maison serait un lieu idéal pour cette initiation. Nous nous y rendîmes au moment où sa digne mère caquetait avec mon épouse, ce qui garantissait que nous pourrions répéter la leçon plusieurs fois si besoin était. Je passerai sur les détails, mais alors que l'affaire se déroulait sous les meilleurs auspices, la silhouette de la mère de ma conquête apparut devant l'entrée de la rotonde. Pour une malheureuse fois, son concile avec mon épouse avait été bref. D'humeur horticole, il lui avait pris l'envie de venir admirer les géraniums qui prospéraient librement au cœur de la rotonde. Nous lui servîmes un autre spectacle, tout aussi naturel mais moins à son goût. Dans une posture fort classique, mais qui aux yeux d'une mère est toujours du ressort de l'impensable, la jeune fille subit à cette occasion quelques dommages irréparables pour sa pudeur. Car si la baronne connaissait l'anatomie de sa fille, elle n'en fut pas moins fâchée de m'en voir également si intimement instruit. Dans cette épreuve, je tentai de conserver un flegme que je dominai toutefois assez mal. D'autant que la baronne décida de faire tout un tapage de l'aventure : furieuse, elle intima à sa charmante progéniture de se rhabiller et se répandit de mon « odieux outrage » – ce sont ses mots – chez mon épouse. D'un ton de matrone romaine, elle menaça d'aller en justice pour m'accuser d'avoir suborné sa fille. Ma chère femme se plut d'abord à fustiger mon inconduite, mais, alarmée par le scandale qui se dessinait, tenta de ramener la baronne à plus de tempérance. En vain. Le lendemain, son époux se ligua à la croisade de la baronne. Dans un pli, il me fit part de son courroux – toutefois mesuré car il savait que j'en connaissais autant sur son compte –, et réitéra les menaces de sa femme. Il laissa également entendre qu'il ne voulait pas compromettre l'avenir de sa pauvre fille par une affaire trop publique. Bref, il est peu d'indignations qui résistent à un bon dédommagement. Le reliquat de la dot de mon épouse réussit à calmer l'ire de la baronne. Quelques mois plus tard, elle revint même rendre visite à ma femme, mais sans sa fille. Entre-temps, cette dernière s'était fiancée à un gentilhomme toulousain qui dut reprendre son éducation là où je l'avais laissée. L'aventure m'avait coûté cher : j'en entendis longtemps parler au logis, et avec d'autant plus d'amertume que notre situation donnait toujours plus de signes de faillite.
     
    Depuis la mort de mes parents au cours de l'année 1750, j'assumais seul la gestion de nos maigres biens. La charge était rébarbative et consistait surtout à constater que la terre des du Barry produisait chaque année un peu moins de revenus. Pour pallier cela je fis quelques emprunts à de plus riches voisins, mais la décadence de notre situation, connue de tous, tarit bientôt cet expédient. À de multiples reprises, je tentai pourtant d'échafauder des plans pour améliorer le rapport de notre domaine. Très étendu, il était constitué de nombreux bois et bonnes terres qui, à force d'être mal entretenues – et mal gouvernées par mon père, je dois le reconnaître –, devinrent peu prolifiques, et pour certaines carrément arides car depuis trop longtemps en jachère. Près de cent familles y vivaient, mais leur condition était à la mesure du délabrement général. Sans entrer dans de vastes discours sur l'état de notre province en ce temps-là, il est toutefois important de souligner que la rapacité des agents de l'impôt royal avait achevé d'aggraver une situation déjà fort difficile – à ce propos, je maintiendrai toute ma vie que l'impôt doit être réformé afin de le rendre réellement proportionnel. Pour financer les ruineuses expéditions des guerres d'Allemagne, le Trésor royal exigeait chaque année des efforts supplémentaires. Des taxes nouvelles naissaient à tout propos. Contre toute tradition, personne n'était exempt : l'odieux vingtième succéda au honni dixième, que roturiers et nobles durent acquitter. Celui à qui il ne restait qu'une table et quatre chaises devait en céder une au percepteur de l'intendant. Peu à peu, le pays prospère du temps de mes aïeux céda la place à

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