Révolution française Tome 1
et départementales informent leurs populations.
« Le général Kellermann a eu son cheval tué sous lui, et
pendant huit minutes qu’il est resté à pied, quinze à dix-huit boulets sont
tombés à ses côtés. »
Kellermann est remonté à cheval.
« J’ai vu les troupes, dit-il, perdre des rangs entiers
par l’explosion de trois caissons par un obus, sans sourciller ni déranger leur
alignement. »
Il peut compter sur ces hommes.
Il lance l’ordre de les former en colonne, afin de se
précipiter à la rencontre de l’ennemi, de lui montrer la résolution française.
Il met son chapeau, surmonté du panache tricolore, au bout
de son épée. Il se dresse sur ses étriers. Il crie : « Vive la nation ! »
L’armée entière lève ses fusils, répond :
« Vive la nation ! Vive la France ! Vive
notre général ! »
Les trente-six mille Français commencent à chanter : « Ah !
ça ira ! ça ira ! ça ira ! », puis « Aux armes, citoyens ».
Les trente-quatre mille Prussiens restent immobiles, alors
que s’ébranlent les bataillons français.
On dénombre déjà trois cents morts du côté français, et cent
quatre-vingt-quatre chez les Prussiens. Les blessés sont très nombreux dans
chaque camp. Les boulets continuent de tomber, mais ils ne ricochent pas sur le
sol détrempé. La boue et l’ordure aspergent les hommes et les chevaux.
Et puis l’averse, furieuse, balayant de ses rafales les
armées.
« Hier schlagen wir nicht. »
« Ici nous ne les battrons pas », dit Brunswick, et
il donne l’ordre de la retraite.
Dans les heures qui suivent, un volontaire écrit du camp de
Sainte-Menehould à sa « promise » :
« Tâche de déchiffrer ma lettre comme tu pourras. Je t’écris
par terre et avec un fétu de paille. Nous couchons sur terre comme des rats, il
n’y fait ni chaud ni bon, malgré cela, ça ira, ça ira, ça ira… »
À quelques lieues de là, sous une tente prussienne, Gœthe
fait face à des officiers qui l’interrogent sur le sens de cette canonnade, où
il n’y a pas eu de heurts entre les deux armées, mais un duel d’artillerie, et
l’« armée d’avocats » ajustait bien ses coups.
« Nous avons perdu plus d’une bataille, dit l’un des
officiers, nous avons perdu notre renommée. »
Il y a un long silence.
Puis Gœthe dit :
« D’ici et de ce jour, commence une ère nouvelle dans l’histoire
du monde. »
Ce jeudi 20 septembre 1792, vers cinq heures et demie du
soir, alors qu’à Valmy, les canons cessent de tirer, les trois cent soixante et
onze députés de la Convention présents à Paris, sur les sept cent quarante-neuf
élus, se réunissent pour la première fois aux Tuileries.
Ils vérifient leurs pouvoirs.
Ils nomment leur bureau, choisissent Pétion, maire de Paris,
élu député à Chartres, comme président.
La séance qui n’a pas été publique est levée à une heure du
matin.
Quelques sans-culottes, armés de leurs piques, les attendent
rue Saint-Honoré. Ils crient : « Vive la nation ! », « À
bas le gros cochon ! »
Et d’une voix forte, dominant toutes les autres, quelqu’un
lance :
« Il reste une prison à vider. »
SEPTIÈME PARTIE
Octobre
1792-22 janvier 1793
« Cet homme doit
régner ou mourir »
« On s’étonnera un jour qu’au XVIII e siècle on ait été moins avancé que du temps de César : là le tyran fut
immolé en plein Sénat, sans autres formalités que vingt-trois coups de poignard,
et sans autre loi que la liberté de Rome. Et aujourd’hui on fait avec respect
le procès d’un homme assassin d’un Peuple, pris en flagrant délit, la main dans
le sang, la main dans le crime !…
On ne peut régner innocemment : la folie
en est trop évidente. Tout roi est un rebelle et un usurpateur. »
Saint-Just
Discours sur le jugement de Louis XVI
prononcé à la Convention nationale
le 13 novembre 1792
34
Cette prison qui « reste à vider », c’est le
donjon du Temple.
À plusieurs reprises durant ce mois de septembre, des
groupes de sans-culottes sont venus hurler leur haine du « gros cochon »,
de la « putain ».
Ils ont tenté de forcer les portes percées dans le nouveau
mur d’enceinte que la Commune a fait construire autour du donjon.
Souvent aussi des geôliers, qui surveillent chaque geste de
Louis, de sa sœur Élisabeth, de Marie-Antoinette et de ses deux enfants, Madame
Royale âgée de
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