Révolution française Tome 1
importante a été la plus facile à faire. Si tous les membres au nombre
de sept cent cinquante eussent été réunis, il y aurait eu probablement quelque
contradiction. Il semble qu’on ait voulu faire un coup fourré. On y a réussi
jusqu’à présent.
« J’aime assez le système républicain, poursuit-il, il
bannit la haute morgue de la société, il rend les hommes plus égaux, plus fiers,
le mérite y obtient la récompense qui lui est due… »
Mais on entend peu dans les heures qui suivent crier « Vive
la République ! ».
Et Gouverneur Morris écrit :
« Rien de nouveau aujourd’hui, sinon que la Convention
s’est réunie et a déclaré qu’il n’y aurait plus de roi. »
En fait Louis XVI n’est plus, depuis le 10 août
1792, que Louis Capet, ci-devant roi de France, ou des
Français.
La victoire de Valmy, connue à Paris à la veille de l’institution
discrète de la République, a donné un élan originel au nouveau régime.
« Ce jour de Valmy a été décisif pour le salut de la
patrie, écrit le Journal des hommes libres. Il a procuré le double
avantage de ralentir l’ardeur des Prussiens et d’augmenter celle de nos braves
défenseurs. Et c’est aussi ce jour même que sous de si heureux auspices, se
sont réunis les citoyens élus par le peuple pour le représenter et lui proposer
un pacte social et une forme de gouvernement. »
Mais déjà, après seulement quatre jours, les déchirures s’élargissent,
les oppositions – les haines –, les suspicions s’expriment.
Le mardi 25 septembre, Marat dénonce un complot fomenté
contre lui, contre la députation de Paris.
Il accuse les Girondins :
« Le 25 de ce mois, dit-il, est le jour fixé pour
décrier la députation de Paris, écraser Robespierre, Panis – un avocat jacobin,
proche de Danton –, Danton, et faire égorger Marat par le glaive de la tyrannie… »
Il dénonce « la clique brissotine », qui veut le
faire « égorger par des brigands apostés »… ces deux huissiers
chargés de l’arrêter si on vote contre lui un acte d’accusation. Lui-même a
fait asseoir dans les travées, à la place de députés, des citoyens chargés de l’applaudir.
Et le président de séance a dû les inviter à quitter « l’enceinte
de la salle ».
La tension est vive.
Un député, Lasource, déclare qu’il y a un parti qui veut « despotiser
la France » après avoir « despotisé la Convention nationale ».
On proteste, on s’exclame.
Lasource poursuit : « Il faut, dit-il, réduire
Paris à un quatre-vingt-troisième d’influence », qu’il ne pèse pas plus qu’un
quelconque des quatre-vingt-trois départements !
Danton s’insurge.
« Je n’appartiens pas à Paris, aucun de nous n’appartient
à tel ou tel département. Il appartient à la
France entière… Je déclare la peine de mort contre quiconque
voudrait détruire l’unité en France. »
On vote. On proclame que la « République est une et
indivisible ».
Mais les haines et les soupçons demeurent.
Danton répète qu’il n’est en rien « l’instigateur des
placards et des écrits de Marat ».
Cet homme-là, martèle-t-il, est « un être nuisible à la
société ».
Les premiers cris « Marat à la guillotine ! »
se font entendre.
Robespierre monte à son tour à la tribune.
Lui aussi prend ses distances avec Marat.
Il n’a à aucun moment l’intention de faire partie d’un « triumvirat ».
« Loin d’être ambitieux, j’ai toujours combattu les
ambitieux », assure-t-il.
On l’interrompt. On murmure. On lui lance : « Abrégez ! »
Sa voix devient plus aiguë :
« Je sens qu’il est fâcheux pour moi d’être toujours
interrompu… Je n’abdiquerai point. »
Il n’est pas applaudi quand il descend de la tribune.
On attend Marat.
Le voici, bousculé, entouré de députés qui crient : « À
la guillotine ! À la guillotine ! »
Il empoigne la tribune. Il disculpe Danton et Robespierre « qui
ont constamment repoussé la dictature ».
Il est seul coupable d’avoir voulu, pour déjouer les
complots d’une Cour corrompue, « placer la hache vengeresse du peuple
entre les mains d’un dictateur… Et si c’est un crime j’appelle sur ma tête la
vengeance nationale ».
Il sort de sa ceinture un pistolet et l’appuie sur son front :
« Je suis prêt à me brûler la cervelle sous vos yeux. »
L’Assemblée est comme paralysée. Elle ne votera pas
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