Révolution française Tome 2
morale, de
la liberté civile et de la tolérance politique. Avec une bonne administration
tous les individus oublieront les factions dont on les fit membres et il leur
sera permis d’être français… »
Cependant que déferlent les acclamations, Bonaparte se
penche, lance à Bottot : « Dites à Barras que je ne veux plus le voir ;
dites-lui que je saurai faire respecter l’autorité qui m’est confiée. »
Au vrai, le Directoire n’est plus.
Sieyès et Ducos ont démissionné.
Gohier et le général Moulin qui s’y refusent sont retenus au
palais du Luxembourg sous la garde du général Moreau.
Barras, qui a hésité, reçoit Talleyrand qui lui présente une
lettre de démission.
« La gloire qui accompagne le retour du guerrier
illustre à qui j’ai eu le bonheur d’ouvrir le chemin de la gloire… les marques
de confiance que lui donne le corps législatif, m’ont convaincu… Je rentre avec
joie dans les rangs du simple citoyen… »
Il sait ce que Bonaparte a dit à Bottot. Il signe.
Le pouvoir est passé des Directeurs à Bonaparte commandant
de la force armée.
Le sang n’a pas coulé. La légalité a été – en apparence
-respectée.
C’est Sieyès qui veut qu’on arrête une quarantaine de
députés, Jacobins têtus, qui peuvent rechercher l’appui du général Bernadotte
qui a refusé le matin de se joindre aux autres généraux. Il y a aussi Jourdan, le
général jacobin. Et même Augereau.
Bonaparte rejette la proposition de Sieyès.
Il ne veut pas d’un coup d’État militaire avec ses
canonnades, ses feux de salve, ses arrestations. Il veut être selon les termes
des affiches qu’on colle autour des Tuileries, et des brochures qu’on vend à
tous les coins de rue, ou qu’on distribue : « Un homme de sens, un
homme de bien, le sauveur. »
Il charge Saliceti d’aller rassurer les Jacobins, et de leur
promettre au nom de Bonaparte une « explication franche et détaillée »,
en leur précisant que Sieyès voulait les arrêter… et que Bonaparte s’y est
opposé.
Pour les mêmes raisons, Bonaparte est réticent quand Fouché
lui rapporte qu’il a fait baisser les barrières de Paris.
« Eh mon Dieu, pourquoi toutes ces précautions ? Nous
marchons avec la nation tout entière et par sa seule force, s’exclame Bonaparte.
Qu’aucun citoyen ne soit inquiété et que le triomphe de l’opinion n’ait rien de
commun avec ces journées faites par une minorité factieuse ! »
Tout est calme, mais le rideau n’est pas encore tombé.
Demain, 19 brumaire an VIII (10 novembre 1799), c’est le
deuxième et dernier acte.
Tout sera gagné ou perdu.
Et dans les premières heures de la matinée du 19 brumaire, c’est
tout à coup l’inquiétude qui s’installe rue de la Victoire :
« On n’est fixé sur rien, dit à Bonaparte le ministre
de la Justice Cambacérès. Je ne sais pas comment cela finira. »
On rapporte que les députés qui gagnent le château de
Saint-Cloud avec leurs familles se sont concertés toute la nuit.
Ils ont noté que les menaces sur la République qui ont été
invoquées pour susciter le vote du conseil des Anciens ne sont pas confirmées.
Paris est paisible, aucun rassemblement sinon ces groupes de
soldats disposés tout au long des Champs-Élysées jusqu’à Saint-Cloud.
Et là, dans le parc du château, des compagnies bivouaquent, placées
sous les ordres du général Sérurier, un ancien de l’armée d’Italie.
Rien n’est prêt pour accueillir les députés. Ils s’affairent
encore dans l’Orangerie où siégeront les Cinq-Cents, et dans la galerie d’Apollon
qui servira de salle de délibérations aux Anciens.
Les députés, dans leur manteau blanc serré d’une ceinture
bleue et coiffés de leur toque rouge, commencent à protester.
On entend, venant de la salle de l’Orangerie à laquelle on
accède par un escalier étroit et dont les fenêtres ouvrent à moins d’un mètre
du sol, des voix qui clament : « À bas les dictateurs ! »
en dépit de Lucien Bonaparte qui assure la présidence du Conseil des Cinq-Cents.
Bonaparte vient d’arriver.
Il ne veut pas prêter attention à ces députés qui lancent
quand il traverse l’esplanade : « Ah, le scélérat ! Ah, le
gredin ! » auxquels répondent les « Vive Bonaparte ! »
des soldats.
On remarque la pâleur de Bonaparte, les boutons qui maculent
ses joues, qu’il commence à gratter nerveusement.
Il vient
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