Révolution française Tome 2
emprisonné
sous Robespierre, obtient avec la liberté le commandement de l’armée des Côtes
de Cherbourg qui lutte contre les chouans et les Vendéens.
Malgré ces changements, cette épuration, ces traques des
robespierristes que mènent dans les départements de nouveaux représentants en
mission, le pays est comme terrassé.
Le Suisse Mallet du Pan note : « La nation paraît
épuisée comme une frénétique revenue à la raison l’est par les saignées, les
bains et la diète ! »
Et l’ancien Girondin La Révellière-Lépeaux ajoute :
« À la fièvre chaude succède une entière prostration de forces. »
Les plaies ne sont pas refermées. Elles suppurent encore. Les
beaux quartiers et d’abord celui du faubourg Saint-Germain sont déserts. Et sur
les hôtels particuliers on peut lire, souvent, sur une bande accrochée à la
façade : « Propriété nationale à vendre. »
Ces demeures ont été pillées, parfois transformées en
bureaux et corps de garde par les sections de la Commune.
« On dirait que tout ce qui a été jadis dans l’intérieur
des appartements vient d’être exposé tout à la fois dans la rue. La capitale du
monde a l’air d’une immense friperie… À chaque pas, continue de noter le Suisse
Meister, vous rencontrez des personnes de tout sexe, de tous âges, de toutes
conditions, portant quelque paquet sous le bras ; ce sont des échantillons
de café, de sucre, de fromage, d’huile, de savon, que sais-je ? C’est
encore trop souvent le dernier meuble, le dernier vêtement dont un infortuné
consent à se défaire afin d’acheter l’aliment dont il a besoin pour lui-même ou
pour sa malheureuse famille… Ce qui m’a frappé le plus généralement à Paris, c’est
un caractère étrange d’incertitude, de déplacement sur presque toutes les
figures, un air inquiet, défiant, tourmenté, souvent même hagard et convulsif… »
Dans cette hébétude de Paris et du pays, les conventionnels
du centre – du Ventre – font campagne – dans les journaux, par leurs discours –
pour « l’Union et la Confiance », comme le dit Cambacérès :
« Ne nous reprochons ni nos malheurs ni nos fautes… poursuit-il,
la Révolution est faite… La Révolution a coûté des victimes, des fortunes ont
été renversées : iriez-vous autoriser des recherches sur tous les
événements particuliers ? Lorsqu’un édifice est achevé, l’architecte en
brisant ses instruments ne détruit pas ses collaborateurs. Tant que le peuple
et la Convention ne feront qu’un, les efforts des ennemis de la liberté
viendront expirer à vos pieds.
« Le vaisseau de la République tant de fois battu par
la tempête touche déjà le rivage… Laissez-le s’avancer dans le port en fendant
d’un cours heureux une mer obéissante. »
Mais cet apaisement qu’espèrent Cambacérès et les
conventionnels du Ventre, certains ne le souhaitent pas. Pour un publiciste
comme Mallet du Pan, « les conventionnels sont comme des valets de
révolution qui ont assassiné leurs maîtres et s’emparent de la maison après
leur mort ».
Certes Mallet du Pan est monarchiste, genevois, mais des
artisans, des domestiques, des ouvriers, des humbles donc ont eu à subir la loi
des suspects, ont vu des proches « éternuer dans le sac », après
avoir été condamnés par Fouquier-Tinville. Et ce sont les humbles qui ont
représenté près des deux tiers des victimes du Tribunal révolutionnaire.
Les survivants réclament vengeance.
Ce sont eux qui chantent, en désignant Robespierre et les
Jacobins :
Qu’on attrape ci
Qu’on attrape ça
La guillotine arrange ça
La guillotine t’attendait oui-da !
Une autre chanson est entonnée par les « messieurs »
de la « Jeunesse dorée », qu’on appelle « fats », « collets
noirs », « bas blancs », « Jacobins blancs » et
surtout « muscadins ».
Ils clament en avançant en petits groupes armés de gourdins
plombés, qu’ils veulent le Réveil du peuple.
Peuple français, peuple de frères,
Peux-tu voir sans frémir d’horreur
Le crime arborer les bannières
Du carnage et de la terreur ? […]
Le jour tardif de la vengeance
Fait enfin pâlir vos bourreaux.
Dans les tout premiers jours qui ont suivi l’exécution de
Robespierre, les sans-culottes interpellent ces « messieurs » les
muscadins. Ils les traitent de lâches, car un grand nombre d’entre eux sont des
réquisitionnaires
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