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Si c'est un homme

Si c'est un homme

Titel: Si c'est un homme Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Primo Levi
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vénérait
à
Lucques
en
Toscane,
et
qu'on
y
montrait
en
procession
    Quant
au
Serque

en
italien
il
Serchw
—,
c'est
une
rivière
proche
de
Lucques
    dans
les
eaux
de
laquel e
les
habitants
de
cette
vil e
avaient
coutume
de
se
    baigner
Ce
que
laissent
entendre
les
deux
vers
cités
ci-‐dessus,
et
hurlés
par
les
    démons
à
l'intention
d
un
damné
lucquois,
c'est
que
c'en
est
bien
fini
pour
lui
de
    sa
vie
d'autrefois
II
est
clair
que
cela
vaut
également
pour
les
déportes
du
    Lager.

    – 28 –

    Heure après heure, cette première et interminable journée, prélude à l'enfer qui nous attend, touche à sa fin Tandis que le soleil se couche dans un sinistre amoncellement de nuages sanglants, on nous fait finalement sortir de la baraque. Vont-ils nous donner à boire? Non, ils nous font mettre en rang une fois de plus, nous conduisent sur une vaste place qui occupe le centre du camp et nous y disposent en formation carrée. Après quoi, plus rien pendant une heure. Il semble qu'on attende quelqu'un.
    Près de l'entrée, une fanfare commence à jouer : elle joue Rosamunda, la chansonnette sentimentale du moment, et cela nous semble tellement absurde que nous nous regardons entre nous en riant nerveusement; nous nous sentons comme soulagés, tout ce rituel n'est peut-être qu'une énorme farce dans le goût teutonique.
    Mais aussitôt après Rosamunda, la fanfare attaque des marches, les unes après les autres, et voici qu'apparaissent les bataillons de camarades qui rentrent du travail. Ils avancent en rang par cinq : leur démarche est bizarre, contractée, rigide, on dirait des bonshommes de bois ; mais ils suivent scrupuleusement le rythme de la fanfare.
    A leur tour ils se rangent sur la grande place, selon un ordre rigoureusement établi. Le dernier bataillon arrivé, on nous compte et nous recompte, des contrôles minutieux sont effectués sous les ordres, semble-t-il, d'un individu en costume rayé, qui en réfère ensuite à un petit groupe de SS en tenue de campagne.
    Finalement (il fait nuit maintenant, mais le camp est vivement éclairé par des projecteurs et de grosses lanternes) on entend crier « Absperre ! », et en un instant les équipes s'éparpillent en tous sens dans la confusion et le brouhaha. Mais maintenant plus
    – 29 –

    personne n'a le pas raide et le torse bombé comme tout à l'heure, chacun se traîne avec un effort manifeste. Je remarque que tous portent à la main ou à la ceinture une écuelle en fer-blanc à peu près aussi grande qu'une bassine.
    Nous aussi, les nouveaux venus, nous nous mêlons à la foule à la recherche d'une voix, d'un visage ami, d'un guide. Appuyés au mur en bois d'une baraque, j'aperçois deux garçons assis par terre. Ils paraissent très jeunes, seize ans au maximum, leurs mains et leur visage sont couverts de suie. L'un d'eux m'appelle au passage et me pose en allemand des questions que je ne comprends pas
    ; puis il me demande d'où nous venons. « Italien », dis-je. J'aurais des tas de choses à lui demander, mais mes possibilités en allemand sont limitées.
    Tu es juif?
    Oui, juif polonais.
    Depuis combien de temps es-tu au Lager ?
    Trois ans.
    Et il lève trois doigts. Je me dis avec horreur qu'il a dû y entrer encore enfant ; par ailleurs, c'est signe qu'il y a quand même des gens qui réussissent à vivre ici.
    Quel est ton travail ?
    Schlosser, répond-il. Je ne comprends pas.
    Eisen, Feuer (fer, feu), insiste-t-il.
    Et avec les mains il fait le geste de frapper sur une enclume avec un marteau. Il est forgeron.
    — Ich Chemiker (Moi chimiste), dis-je.
    Il acquiesce gravement d'un signe de tête :
    — Chemiker, gut.
    Mais tout cela concerne un avenir lointain : ce qui me tourmente pour le moment, c'est la soif.
    — Boire, eau. Nous pas d'eau, lui dis-je.
    – 30 –

    Il me regarde d'un air grave, presque sévère, et prononce en scandant chacune de ses paroles :
    — Ne bois pas d'eau, camarade.
    Et il ajoute quelque chose d'autre que je ne comprends pas.
    Warum ?
    Geschwollen, répond-il télégraphiquement. Je secoue la tête, je n'ai pas compris.

    Gonflé, parvient-il à me faire comprendre en esquissant avec ses mains un visage et un ventre monstrueusement gros.
    Warten bis heute abend.
    Je traduis mot à mot : « attendre jusqu'à ce soir ».
    Puis il me dit :
    — Ich Schlome. Du ?
    Je lui dis mon nom et il me demande :
    Où ta mère ?
    En

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