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Terribles tsarines

Terribles tsarines

Titel: Terribles tsarines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Henri Troyat
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terre, il approuve dans l'ensemble les idées nationalistes du chancelier Bestoujev. D'ailleurs, les intérêts des États évoluent si vite en ces années où les uns sont en guerre, où les autres se préparent à l'être et où la recherche des alliances est la principale occupation de toutes les chancelleries qu'il est difficile de voir clair dans le casse-tête européen. Ce qui est sûr, en tout cas, c'est que les hostilités entre la Russie et la Suède, inconsidérément déclenchées en 1741, sous la régence d'Anna Léopoldovna, tirent à leur fin. Après plusieurs victoires russes, remportées par les généraux Lascy et Keith sur les Suédois, la paix a pu être signée, le 8 août 1743, entre les deux pays. Par le traité d'Abo, la Russie a rendu quelques territoires récemment conquis, mais a gardé la majeure partie de la Finlande. Ayant réglé définitivement le différendqui l'opposait aux bellicistes de Stockholm, Élisabeth espère que la France se montrera moins hostile à une entente avec elle. Mais, dans l'intervalle, Saint-Pétersbourg a conclu un pacte d'amitié avec Berlin, ce que Versailles voit d'un très mauvais œil. Il faut de nouveau déployer des trésors de séduction pour endormir les susceptibilités et renouer les promesses.
    C'est à ce moment qu'éclate une affaire à laquelle ni Bestoujev ni Élisabeth ne sont préparés. Au milieu de l'été, on parle à Saint-Pétersbourg d'un complot fomenté parmi la meilleure noblesse, à l'instigation de l'ambassadeur d'Autriche Botta d'Adorno et destiné à renverser Élisabeth I re . Cette coterie sans foi ni loi n'envisagerait rien de moins que d'offrir le trône à la famille Brunswick, rassemblée autour du petit Ivan VI. A peine ces révélations parviennent-elles aux oreilles d'Élisabeth qu'elle ordonne de faire arrêter l'impudent Botta d'Adorno. Mais, flairant le danger, celui-ci a déjà quitté la Russie. On le dit en route pour Berlin et se dirigeant vers l'Autriche. Si le diplomate félon a pu s'échapper, ses complices russes sont encore en place. Les plus compromis appartiennent, de près ou de loin, au clan Lopoukhine. Élisabeth n'oublie pas qu'elle a dû souffleter Nathalie Lopoukhine, en plein bal, à cause d'une rose dont l'effrontée avait cru bon d'orner sa coiffure. En outre, cette femme a été la maîtresse du maréchal de cour Loewenwolde, récemment exilé en Sibérie. Deux raisons pour que Sa Majesté ne porte pas la rivale dans soncœur. Mais certains membres de la conjuration sont plus détestables encore à ses yeux. Au premier rang des inculpés, elle place Mme Michel Bestoujev, née Golovkine, sœur d'un ancien vice-chancelier, belle-sœur du chancelier Alexis Bestoujev, actuellement en fonctions, et veuve, par son premier mariage, d'un des plus proches collaborateurs de Pierre le Grand, Iagoujinski.
    En attendant l'arrestation et le procès des coupables russes, elle espère que l'Autriche sanctionnera sévèrement son ambassadeur. Mais, si le roi Frédéric II a expulsé Botta dès l'arrivée de celui-ci à Berlin, l'impératrice Marie-Thérèse, ayant recueilli le diplomate à Vienne, se contente de lui adresser un blâme. Déçue par les timides réactions de deux souverains étrangers qu'elle croyait plus fermes dans leurs convictions monarchiques, Élisabeth se venge en faisant enfermer le couple princier des Brunswick et leur fils, le petit Ivan VI, dans la forteresse maritime de Dunamunde, sur la Duna, où on pourra mieux les surveiller qu'à Riga. Elle songe aussi à se séparer d'Alexis Bestoujev, dont la famille a été compromise. Puis, sans doute assagie par les conseils de Razoumovski, partisan de la modération dans le règlement des affaires publiques, elle laisse le chancelier à son poste.
    Cependant, comme il lui faut des victimes pour apaiser sa fureur rentrée, elle choisit de faire porter le poids du châtiment à Mme Lopoukhine, à son fils Ivan et à quelques-uns de leurs proches. Pour Nathalie Lopoukhine, ce n'est plus un souffletqu'elle exige comme punition, mais d'horribles tortures. Le même sort attend ses complices. Sous le knout, les tenailles et les brûlures au fer rouge, Nathalie Lopoukhine, son fils Ivan et Mme Bestoujev répètent, en se tordant de douleur, les calomnies qu'ils ont entendues de la bouche de Botta. Malgré le manque de preuves matérielles, un tribunal d'exception, composé de plusieurs membres du Sénat et de trois représentants du clergé, condamne

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