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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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un franc succès. Sa haute mine et son charme lui assuraient, auprès des femmes, un accueil flatteur qui se changeait en vif intérêt lorsque Fersen, bon camarade, se lançait dans le récit de ses exploits.
    Passant pudiquement sur le vol de son cheval, le Suédois ne se lassait pas de conter comment Tournemine lui avait sauvé la vie à Yorktown puis, entraînant deux ou trois jolies filles dans un coin de salon, il leur confiait sotto voce le secret du passionnant roman des amours de son ami avec une éblouissante princesse indienne et ainsi, peu à peu, le jeune homme devenait une sorte de héros aux yeux de la bonne société féminine. Au point d’en être parfois gêné…
    — Tu me fais une réputation incroyable, lui dit-il un jour. Tu devrais cesser de chanter mes louanges comme tu le fais. Ma vie passée ne mérite pas tant d’éloges. Et puis, pourquoi donc vouloir à toute force intéresser les gens à moi ?
    — Pas les gens, les femmes ! Tu souhaites refaire ta fortune : marie-toi ! Tu as, dès maintenant, l’embarras du choix.
    — C’est inutile. Il n’y a pour moi au monde qu’une seule femme. Je ne veux qu’elle, avec ou sans fortune. J’épouserai Judith ou personne…
    — Qui peut se vanter de n’avoir jamais changé d’avis, un jour ?…
    Et Fersen continuait de plus belle ses contes héroïco-galants. Mais, en dépit de ces succès de salon, la soirée théâtrale n’en était pas moins, pour le jeune Breton, la première grande soirée parisienne et il ne songeait pas à dissimuler le plaisir qu’il y prenait.
    Beaucoup des hommes qui l’entouraient étaient en effet d’anciens compagnons d’armes. Il y avait là Lauzun, Noailles, les Lameth, Ségur et bien d’autres que leur récent retour d’Amérique mettait à la mode. Certains spectateurs, s’ils ne lui étaient pas encore familiers, n’étaient plus tout à fait des inconnus, telle cette trinité réjouissante et fort peu sainte de jeunes lurons rencontrés chez Creutz et qui se composait d’un charmant boiteux, le jeune abbé de Périgord, d’un séduisant bâtard du feu roi Louis XV, le comte Louis de Narbonne-Lara, et de leur inséparable, le comte de Choiseul-Gouffier, jeune diplomate plein d’esprit.
    Les femmes, évidemment, étaient beaucoup plus étrangères au chevalier et s’il examinait avec tant d’attention la guirlande scintillante courant le long des loges, c’était moins par curiosité que dans l’espoir de reconnaître un visage parmi tous ces visages, un sourire parmi tous ces sourires… Ses yeux qui savaient fouiller les profondeurs d’une forêt noyée de brume ou les ombres de la nuit la plus opaque détaillaient avidement chacune de ces figures de femmes dont presque toutes étaient à la fois jeunes et belles. Mais son cœur, qui aurait tant voulu battre plus vite sous l’effet de la joie, dut, bon gré mal gré, conserver son rythme tranquille : aucune de ces femmes n’était Judith…
    — Toujours rien ? demanda Fersen qui n’ignorait plus l’amour secret de son ami et qui l’observait du coin de l’œil. Elle n’est pas là ?
    — Non ! Paris est trop grand, vois-tu ! J’ai été fou d’imaginer que je pourrais la retrouver dans une fête et en pleine lumière. Après ce qu’elle a vécu, elle doit plutôt se cacher, chercher l’ombre car elle ignore que j’ai tué l’un de ses frères. Il est vrai que l’autre court toujours !
    — Mais il n’a vraiment aucune raison d’être venu à Paris. Quant à ta belle Judith, je te rappelle qu’elle passe pour morte, que personne ne la connaît ici et qu’en conséquence elle n’a aucune raison de se cacher !
    — Peut-être ! Pourtant, il y a des moments où je perds courage, où il me semble que je ne la retrouverai jamais.
    Le Suédois sourit.
    — Voyons, chevalier, tu n’es ici que depuis peu de temps ! Le Gerfaut qui savait guetter l’ennemi durant des heures aurait-il désappris la patience ? Nous n’avons encore rien tenté de sérieux pour la retrouver. Demain, mon ami Creutz te donnera une introduction pour le Prévôt de Paris et puis… dans deux jours, je te conduirai à Versailles ! Dans deux jours, tu seras devant celle qui peut tout, à qui tout obéit, celle qui règne plus haut que le Roi parce qu’elle règne aussi sur le Roi, celle qui…
    Fersen s’interrompit au moment précis où un brusque silence s’abattait sur la salle. Surpris, Tournemine regarda son ami qui

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