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Un long chemin vers la liberte

Un long chemin vers la liberte

Titel: Un long chemin vers la liberte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nelson Mandela
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les corvées, celle que je préférais c ’ était repasser les costumes du régent, un travail dont je tirais un grand honneur. Il possédait une demi-douzaine de costumes de type occidental et j ’ ai passé de nombreuses heures à faire soigneusement le pli de ses pantalons. Son palais se composait de deux grandes maisons de style européen avec des toits de tôle. A cette époque, très peu d ’ Africains avaient des maisons occidentales et elles étaient considérées comme la marque d ’ une grande richesse. Six huttes étaient disposées en demi-cercle autour de la maison principale. Elles avaient des planchers de bois, quelque chose que je n ’ avais jamais vu auparavant. Le régent et son épouse couchaient dans la hutte de la main droite   ; la sœur de la régente dans celle du centre, et la hutte de la main gauche servait de réserve. Sous le plancher de la hutte du centre, il y avait une ruche et, parfois, nous soulevions une ou deux lames de parquet pour nous régaler de son miel. Peu de temps après mon arrivée à Mqhekezweni, le régent et son épouse s ’ installèrent dans l ’ uxande (maison du milieu) qui, automatiquement, devint la Grande Demeure. Tout près, il y avait trois petites huttes   ; une pour la mère du régent, une pour les visiteurs et une que nous partagions, Justice et moi.
     
    A Mqhekezweni, les deux principes qui gouvernaient ma vie étaient la chefferie et l ’ Eglise. Ces deux doctrines existaient dans une harmonie difficile, mais à l ’ époque je ne les considérais pas comme antagonistes. Pour moi, le christianisme était moins un système de croyances que le credo d ’ un homme   : le révérend Matyolo. Sa présence puissante incarnait tout ce qu ’ il y avait d ’ attirant dans le christianisme. Il était aussi populaire et aimé que le régent, et le fait qu ’ il fût le supérieur du régent pour les questions spirituelles me faisait une très forte impression. Mais l ’ Eglise concernait autant ce monde que l ’ autre   : je voyais que, virtuellement, tout ce qu ’ avaient accompli les Africains semblait s ’ être réalisé grâce au travail missionnaire de l ’ Eglise. Les écoles de mission formaient les fonctionnaires, les interprètes et les policiers qui, à l ’ époque, représentaient les plus hautes aspirations des Africains.
    Le révérend Matyolo était un solide gaillard dans la cinquantaine, avec une voix grave et puissante qui faisait qu ’ il prêchait et chantait à la fois. Quand il disait un sermon à l ’ église, à l ’ extrémité occidentale de Mqhekezweni, la salle était archicomble. L ’ église résonnait des hosannas des fidèles tandis que les femmes s ’ agenouillaient à ses pieds pour lui demander le salut. Quand je suis arrivé à la Grande Demeure, on m ’ a raconté que le révérend avait chassé un dangereux esprit avec comme seules armes une bible et une lanterne. Je ne voyais aucune invraisemblance ni aucune contradiction dans cette histoire. Le méthodisme prêché par le révérend Matyolo était du feu et du soufre assaisonnés d ’ une touche d ’ animisme africain. Le Seigneur était sage et omnipotent, mais c ’ était aussi un dieu vengeur qui ne laissait jamais aucune mauvaise action impunie.
    A Qunu, je n ’ étais allé à l ’ église que le jour où l ’ on m ’ avait baptisé. La religion était un rituel que je supportais pour ma mère et auquel je n ’ attachais aucune signification. Mais à Mqhekezweni, elle faisait partie de la trame de la vie et, chaque dimanche, j ’ accompagnais le régent et sa femme à l ’ église. Le régent prenait la religion très au sérieux. En fait, la seule fois où il m ’ a donné une raclée c ’ est quand je ne suis pas allé au service du dimanche pour participer à une bataille contre les garçons d ’ un autre village, une transgression que je n ’ ai jamais recommencée.
    Ce ne fut pas la seule réprimande qu ’ on m ’ ait faite à cause de ma désobéissance à l ’ égard du révérend. Un après-midi, je me suis glissé dans son jardin pour y voler du maïs que j ’ ai fait griller et que j ’ ai mangé sur place. Une petite fille m ’ a vu et est immédiatement allée le dire au prêtre. La nouvelle s ’ est rapidement répandue et la femme du régent a été mise au courant. Ce soir-là, elle a attendu l ’ heure de la prière  – ce qui était un rituel quotidien  – et elle m ’ a reproché d ’ avoir

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