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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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coquines, des jarretières à rubans, des bonnets de tulle, des gants de chevreau et de coton, des châles de cachemire, des boîtes à poudre, des mouchoirs de batiste irlandaise et, surtout, ces nouveaux corsets français, munis de bustiers à goussets, dans lesquels les femmes logeaient leurs seins pour les exhausser et affirmer leur présence !
     
    La violente sortie, due à l'excès de boisson de Margaret Russell, n'étonna pas, et même réjouit, Dorothy Weston Clarke. Le matin même, cette femme, chez qui l'amertume se traduisait en perfidie, avait infligé une humiliation supplémentaire au pasteur et à son épouse en mettant sous les yeux du couple puritain la page d'annonces du Nassau Guardian . Un encart de The Shop of Intimate Things invitait les dames et demoiselles de Nassau à découvrir les derniers arrivages de lingerie de corps de Paris, dont les noms seuls – Frivolité, Cœur volant, Fine mouche, Cajoleuse, Frileuse, Ingénue, Corset à la sirène –, égrenés comme autant de coups d'épingle, avaient fait monter le rouge de la honte aux joues de Margaret Russell.
     
    Ajoutée au fait que tous les insulaires qui rentraient d'un voyage à Nassau – les femmes surtout – félicitaient les Russell pour la réussite commerciale de leurs filles, dont le magasin était le mieux achalandé de Bay Street, cette annonce confirmait publiquement aux époux Russell que leur nom était désormais associé à la dissolution des mœurs, au libertinage, aux dessous pour cocottes.
     
    Le dîner s'acheva sans nouvel incident. Quand vint l'heure de la séparation et que tous les invités eurent pris congé du maître de maison, Charles entraîna Ottilia sur la galerie. Il estimait le moment venu d'un entretien décisif.
     
    Lord Simon, ayant deviné que Desteyrac souhaitait un tête-à-tête avec sa fille, s'éclipsa avec un signe de la main.
     
    – J'ai le sentiment que nous allons avoir un orage. Les chiens s'agitent, dit-il en s'éloignant, ses lévriers sur les talons.
     
    Charles qui, pendant tout le dîner, s'était préparé à une conversation sérieuse, s'assit près d'Ottilia et lui prit la main.
     
    – Votre père s'inquiète de notre avenir. Il m'a fait part de sa perplexité, commença-t-il.
     
    – Notre avenir…, ou plutôt nos avenirs ne le regardent en rien, répondit-elle.
     
    – Je crois qu'il les a imaginés communs, Otti.
     
    – Moi aussi, un moment. Mais j'ai sans doute mal interprété votre gentillesse, vos élans, vos attentions, les paroles que vous avez prononcées quand vous m'avez accueillie au port de Nassau, à mon retour d'Angleterre, il y aura bientôt un an.
     
    – Je n'ai pas oublié ce moment, Otti.
     
    – Quand je vous ai dit : « Qu'allons-nous faire maintenant », vous m'avez répondu : « Le bonheur de chacun dépend de sa capacité d'illusion » et vous avez ajouté, ce que j'ai pris comme une promesse : « Nous allons conjuguer nos illusions, mais aussi nos forces et nos faiblesses, pour vivre ensemble. » Vous en souvenez-vous ? Mes illusions sont restées des illusions.
     
    – Ne sommes-nous pas ensemble ?
     
    – Je suis souvent avec vous, c'est vrai. Mais ce n'est pas vivre ensemble, c'est vivre côte à côte, n'est-ce pas. Sans doute est-ce très bien ainsi. Je ne puis être plus qu'une amie, vous le savez depuis longtemps, dit-elle, avec une trémulation des lèvres, signe d'un chagrin contenu.
     
    Charles quitta son siège, vint à Ottilia, lui prit les deux mains et l'obligea à se lever car l'orage venait d'éclater et une grosse pluie, fouettée par le vent, aspergeait la galerie.
     
    – Rentrons, dit-il, prenant son bras pour la conduire dans la pénombre du salon.
     
    Ils s'assirent sur un canapé et Charles, avec douceur, l'obligea à poser la tête sur son épaule. Le souffle tiède d'Ottilia sur son cou éveilla en lui une émotion mêlée de désir. Il ne pouvait se défendre de la convoiter, telle qu'elle était, telle que la nature l'avait faite, inapte aux jeux de l'amour mais habitée d'une passion souveraine, d'autant plus intense et sincère qu'elle ne pouvait l'exprimer comme la première amoureuse venue.
     
    Après un moment de silence, il s'engagea.
     
    – De l'amie, je veux faire une épouse, ma femme, Otti.
     
    Elle se redressa, raidie, comme outragée.
     
    – Vous obéissez à mon père, n'est-ce pas ! Il a besoin de Monsieur l'Ingénieur pour construire un phare, améliorer les

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