Une veuve romaine
avait assez d’acier dans ma voix pour lui laisser croire qu’Helena pourrait être morte.) Elle fréquentait le même établissement de bains que toi.
— J’ai cru que c’est toi qui l’avais envoyée.
— Oui, c’est ce que je me suis dit. Mais tu avais tort. Il s’agissait d’une initiative personnelle. Elle a dû vouloir se faire sa propre idée sur toi. Elle ne m’en a jamais parlé, ou je le lui aurais défendu. En fait, je l’avais mise en garde.
La résistance d’Helena à mon autorité était la première chose qui m’avait attiré vers elle.
— Que lui est-il arrivé ? parvint à articuler Severina.
— L’appartement s’est effondré, et tous ceux qui se trouvaient à l’intérieur ont été tués. (Je restai quelques instants silencieux.) Oh ! il est inutile de me regarder de cette façon en te demandant si tu dois avouer, Zotica ! Je sais qui est à blâmer. Cossus me l’a dit. Tu savais. En fait, tu as même donné l’ordre. Ensuite, tu as vaguement essayé de me protéger en m’invitant à déjeuner ici aujourd’hui – et tant pis pour les autres qui se trouvaient là-bas !
Il se produisit un changement sur le visage de Severina, mais si subtil que je ne parvins pas à en saisir la signification. De toute façon, je m’en moquais. Même si elle éprouvait un regret quelconque, je m’étais trop endurci contre elle pour y prêter la moindre attention.
— Je ne garde aucun espoir de pouvoir t’impliquer. J’ai perdu mon témoin : Cossus est mort. Les gens du coin l’ont reconnu et lui ont réglé son compte. Quoi qu’il en soit, les Hortensius étant les propriétaires, leur agent n’aurait jamais dû accepter tes ordres. Pourquoi as-tu fait ça ? Pour te débarrasser de moi, parce que je devenais une menace ? Qu’est-ce qui t’a fait changer d’avis ? L’espoir de pouvoir m’utiliser malgré tout ?
— Tu devrais être content que j’aie souhaité te tenir éloigné, finit-elle par dire.
— Pendant que tu éliminais Helena ? (Elle était suffisamment intelligente pour savoir que je ne serais pas en train de parler de la sorte si c’était vrai.) Heureusement pour toi qu’Helena n’était pas dans l’immeuble, car tu serais déjà morte. Tu avais une raison pour agir comme tu l’as fait. Et n’essaie pas de prétendre que c’était pour me récupérer. Tu ne peux pas penser que je me serais retourné vers toi – ou vers n’importe quelle autre femme – si je l’avais perdue dans de telles circonstances. Non, ton mobile était bien plus complexe. Je sais que tu étais jalouse, jalouse de nous deux. Tu haïssais l’idée que d’autres puissent jouir de ce que tu avais perdu… (Elle se tenait un peu recroquevillée sur son tabouret, et je me penchai en avant pour être à son niveau.) Parle-moi plutôt de Gaius Cerinthus, Zotica.
Pour la toute première fois, je pus être certain de l’avoir surprise. Mais elle ne perdit pas son sang-froid pour autant.
— Tu as l’air d’être au courant.
— Je sais que vous faisiez tous les deux partie de la maisonnée de Moscus. Je sais que Cerinthus a tué Grittius Fronto. Je peux le prouver, parce qu’il y a eu un témoin. Mais le destin n’a pas permis que Cerinthus soit jugé. Il a été écrasé par un mur qui s’est malencontreusement écroulé. Et je sais aussi qu’Hortensius Novus était propriétaire de ce mur. (Elle abaissa les paupières, ce qui pouvait passer pour un acquiescement.) J’ai pu deviner le reste. Cerinthus était l’un de tes compagnons esclaves. Que s’est-il passé ? Tu t’es entichée de lui ? Après avoir épousé Severus Moscus ou avant ?
— Après, répondit-elle calmement.
— Et une fois Moscus mort, tu étais devenue une femme libre ayant fait un joli petit héritage. Tu aurais pu épouser Cerinthus et mener une vie agréable. Pourquoi une telle avidité ? Amasser une immense fortune était son idée, ou la tienne ?
— Notre idée à tous les deux.
— De vrais professionnels du crime ! Pendant combien de temps aviez-vous l’intention de continuer ?
— Pas après Fronto.
— Vous avez commencé par Moscus. C’est Cerinthus qui a choisi la place de son maître en plein soleil, dans l’amphithéâtre ?
— Cerinthus est allé acheter le billet. Tu ne peux pas le blâmer pour le soleil.
— Je peux le blâmer pour ne pas en avoir protégé un vieil homme. Ensuite, il y a eu Eprius, l’apothicaire. Cette fois, tu
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