Vers l'orient
minois de la servante
guettait à la fenêtre, comme si elle avait attendu que je passe. Elle me fit
entrer dans la maison, à l’intérieur d’une pièce garnie de qali élimés
et de coussins. Après m’avoir glissé que sa maîtresse était occupée ailleurs,
elle me confia que son nom était Sitarè, qui signifie Étoile.
Nous nous assîmes tous les deux parmi les piles de
coussins. N’étant désormais plus le novice et l’adolescent inexpérimenté que
j’avais pu être, je m’abstins de me jeter sur elle avec une avidité juvénile
dénuée de tact. Je me mis à lui susurrer des mots doux et des compliments
sucrés tout en me rapprochant peu à peu d’elle, jusqu’à ce que mes paroles
murmurées chatouillent son oreille délicate, la faisant frétiller et se
trémousser en pouffant de rire. Ce ne fut qu’à ce moment que je relevai son
tchador et avançai mes lèvres vers les siennes pour un tendre baiser.
— C’est très agréable, Mirza Marco,
m’avoua-t-elle. Mais vous n’avez pas à perdre de temps.
— Ce n’est pas pour moi du temps perdu,
répondis-je. J’apprécie au moins autant les préliminaires que l’acte lui-même.
Nous pourrions y passer la journée, si tu...
— Je veux dire, tu n’as pas besoin de faire quoi
que ce soit avec moi.
— Tu es une jeune fille pleine d’égards, Sitarè,
et fort gentille, de surcroît. Mais tu dois bien savoir que n’étant pas
musulman je ne suis pas soumis à l’abstinence du Ramadan.
— Oh, mais le fait que tu sois un infidèle n’a
aucune importance.
— Je suis heureux de l’entendre. Alors,
commençons, si tu veux bien.
— Très bien. Desserre un peu l’emprise de tes
bras et je le ferai entrer.
— Quoi ?
— Je t’ai dit, pas besoin de continuer à faire semblant
avec moi. Il est déjà prêt à te rejoindre ici.
— Mais qui est prêt ?
— Mon frère, Aziz.
— Et pourquoi diable aurions-nous besoin de lui
avec nous dans cette pièce ?
— Pas nous : toi. Moi, je m’en irai.
Je défis mon emprise autour d’elle et me relevai pour
la regarder.
— Excuse-moi, Sitarè, hasardai-je avec
circonspection, ne trouvant pas de meilleure façon de faire que de lui demander
tout de go : Serais-tu par hasard, euh... divané ?
Ce mot signifie « cinglée ». Elle sembla
décontenancée.
— Je pensais que tu avais remarqué, hier soir, à
quel point nous nous ressemblons, mon frère et moi. Aziz est le garçon dont les
traits rappellent tant les miens : il a les cheveux auburn, comme moi,
mais est beaucoup plus joli. Son nom peut se traduire par « Bien-aimé ».
C’est sans doute pour cette raison que tu m’as fait ces clins d’œil et jeté ces
regards concupiscents, non ?
C’était à mon tour d’être désarmé.
— Même si tu étais belle comme un péri, pourquoi
voudrais-tu que je te lance des œillades à toi, si ce n’est parce que tu
es celle qui m...
— Je te l’ai dit, tu n’as pas besoin de feindre.
Aziz t’a remarqué aussi, de son côté, et tu lui as fait un effet immédiat. Il
t’attend et a hâte de...
— Mais il peut bien aller finir ses jours au
purgatoire, ton Aziz ! éclatai-je, exaspéré. Laisse-moi t’exposer les
choses aussi clairement que je le puis. Je suis en ce moment en train de te
séduire, afin de passer un bon moment avec toi. Est-ce clair ?
— Moi ? Tu veux faire la zina avec
moi ? Pas avec mon frère Aziz ?
Je bourrai de coups de poing un inoffensif coussin
avant de répliquer :
— Dis-moi franchement, Sitarè. Est-ce une
habitude chez toutes les filles de Perse que de gaspiller leur énergie à jouer
les entremetteuses ?
Elle prit le temps d’y réfléchir un instant.
— Toutes les filles de Perse ? Je ne sais
pas. Mais ce que je puis t’affirmer, c’est que c’est souvent le cas ici, à
Kachan. C’est même une coutume établie. Un homme en repère un autre, à moins
que ce ne soit un jeune garçon, et il en tombe amoureux. Mais il ne peut pas
lui déclarer sa flamme comme cela, directement : cela contredirait la loi
édictée par le Prophète.
— La paix et la bénédiction soient sur lui,
murmurai-je.
— Oui. Aussi l’homme va-t-il faire la cour à la
plus proche parente de celui sur lequel il a jeté son dévolu. S’il le faut, il
ira même jusqu’à l’épouser. Alors, et seulement dans ce cas, il aura un bon
prétexte pour se trouver tout proche du véritable élu de son cœur – qu’il soit
son
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