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Vers l'orient

Vers l'orient

Titel: Vers l'orient Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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frère, son fils si elle est veuve, et pourquoi pas son père – et aura ainsi
tout loisir pour s’adonner à la zina en sa compagnie. De cette façon, tu
comprends, les convenances ne seront pas ouvertement bafouées.
    — Ghu.
    — Voilà pourquoi j’ai cru que tu me faisais la
cour à moi. Mais, bien sûr, si mon frère ne te plaît pas, il n’est pas question
de m’avoir, moi.
    — Et pourquoi donc ? Tu avais l’air
d’apprécier que je m’intéresse à toi plutôt qu’à ton frère, non ?
    — Bien sûr que ça me fait plaisir. C’est certes
plutôt inhabituel comme inclination, sans doute une excentricité chrétienne, à
mon sens. Mais je suis vierge, et je dois le rester par égard pour mon frère.
Tu as déjà traversé bon nombre de contrées musulmanes et tu l’as donc sûrement
compris. C’est pour cela que les familles préservent à tout prix l’intégrité
physique de leurs filles et de leurs sœurs, en les maintenant dans le plus
strict pardah, leur conservant ainsi jalousement leur vertu. Ce n’est
que si une jeune fille demeure intacte ou si une veuve reste chaste qu’elle
peut espérer faire un bon mariage. En tout cas, c’est ainsi que ça se passe,
ici, à Kachan.
    — Oui, je dois admettre qu’il en est de même dans
la contrée d’où je viens...
    — Tu comprends, je dois me trouver un bon mari
qui aura de quoi nous faire vivre et nous aimera tous les deux, moi et mon
frère Aziz, car il est la seule famille qu’il me reste.
    — Attends une seconde, m’offusquai-je,
scandalisé. La virginité d’une jeune Vénitienne est souvent objet de
tractations, je le reconnais, et on l’exige en général pour conclure un bon
mariage, j’en conviens également. Mais ce n’est que pour améliorer la position
commerciale ou sociale de sa propre famille. Tu sous-entends qu’ici les femmes
sont prêtes à jouer les complices et à engager leur désir sexuel au seul
bénéfice d’un autre homme ? Tu épouserais un homme juste pour pouvoir
partager ses faveurs avec ton frère ?
    — Oh, sans doute pas le premier qui se
présenterait, évidemment, fit-elle d’un ton léger. Tu devrais être flatté
qu’aussi bien Aziz que moi te trouvions à notre goût...
    — Gèsu.
    — T’accoupler avec Aziz ne t’engage à rien, tu
sais, puisqu’un mâle n’a pas de membrane sangar. Mais si tu veux rompre
la mienne, il te faudra m’épouser et nous prendre tous les deux.
    — Gèsu, répétai-je,
me relevant au milieu des coussins.
    — Tu t’en vas ? C’est donc que tu ne me veux
pas ? Mais alors, pour Aziz ? Tu ne veux même pas goûter à lui une
seule fois ?
    — Je ne pense pas, non, Sitarè... merci bien. (Je
me dirigeai vers la porte en traînant les pieds.) Je crois que cette coutume
locale m’avait échappé.
    — Il va en être mortifié. Surtout si je dois lui
expliquer que c’était moi que tu désirais !
    — N’en fais rien, dans ce cas, marmonnai-je.
Dis-lui simplement que je n’étais pas informé des usages d’ici.
    Et je sortis.

 
28
    Entre la maison et l’étable se trouvait un tout petit
potager planté d’herbes de cuisine. C’est là que j’aperçus la veuve Esther,
chaussée d’une seule pantoufle, tenant l’autre à la main, fort occupée à la
taper furieusement contre le sol. Curieux, je m’approchai et vis qu’elle était
en train d’écraser un gros scorpion. Dès qu’elle l’eut réduit en bouillie, elle
se déplaça et retourna un rocher. Un autre scorpion rampa paresseusement en
vue, et elle l’abattit de la même façon sans pitié.
    — C’est la seule façon de procéder avec ces sales
bestioles, m’expliqua-t-elle. Ils sortent marauder durant la nuit, lorsqu’il
est impossible de les voir. La ville en est infestée, j’ignore pourquoi. Mon
défunt mari Mordecai – alav ha-shalom – avait coutume de marmonner que
Dieu avait pitoyablement agi en envoyant des sauterelles sur l’Egypte, alors
qu’il aurait parfaitement pu expédier ces scorpions venimeux de Kachan.
    — Votre mari devait être un homme bien courageux,
Mirza Esther, pour oser s’en prendre à Dieu Lui-même.
    Elle éclata de rire.
    — Relis tes Ecritures, jeune homme. Tu y
découvriras que, depuis Abraham, jamais les juifs ne se sont refrénés pour
donner leur avis et récriminer au besoin contre Dieu. Dès le livre de la
Genèse, on découvre Abraham en train de marchander avec lui ! Mon Mordecai,
qui n’avait pas plus froid aux

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