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Victoria

Victoria

Titel: Victoria Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joanny Moulin
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qu’il appelait de ses vœux depuis deux ans déjà, revêtait désormais une importance dynastique. Il pressait Edward de renouveler sa demande. Il avait lui-même écrit à sa sœur en ce sens.
    Victoire hésitait encore. Sa jeune amie Polyxène von Tubeuf, à qui elle avait confié l’éducation de son fils Charles, la conjurait de n’écouter que son cœur et la bonne impression que lui avait faite cet homme affable, indubitablement pourvu de toutes les qualités nécessaires pour la rendre heureuse. Comment la princesse de Leiningen pouvait-elle refuser une alliance avec la première des cours royales ? Le régent lui-même, disait-on, était favorable à cette union et entendait placer sous sa protection ses enfants, le prince Charles et la princesse Feodora, dont elle conserverait la garde. Edward n’avait rien, bien au contraire, contre l’idée d’élire domicile dans la très économique principauté d’Amorbach, pour une partie de l’année au moins. Victoire enfin s’était laissé convaincre :
    « Monseigneur, ma main est vôtre. »
    Le duc de Kent et la princesse douairière de Leiningen s’étaient mariés en mai 1818, selon le rite luthérien, dans la salle des Géants du château d’Ehrenbourg à Cobourg. En juillet avait eu lieu une seconde cérémonie de mariage, selon le rite anglican, à Londres, au palais de Kew. L’office s’était déroulé simultanément dans leurs deux langues, en anglais et en allemand. Les épousailles étaient doubles à plus d’un titre : l’archevêque de Cantorbéry et l’évêque de Londres bénissaient en même temps l’union de William, duc de Clarence, troisième fils de George III, avec la princesse Adélaïde de Saxe-Meiningen.
    Edward avait dû s’endetter de 3 000 livres pour financer ses noces. Les 6 000 livres accordées aux deux frères à l’occasion de leur mariage, en supplément des 25 000 livres qui leur étaient annuellement allouées par le Parlement, et que William de Clarence refusait comme indignes de son rang, ne suffisaient pas à combler les dettes d’Edward de Kent. Son impécuniosité était telle que sa mère, la reine Charlotte, sentant sans doute venir l’heure où il ferait appel à la générosité maternelle, avait prié Edward de bien vouloir quitter le pays.
    En septembre, les nouveaux mariés repartaient pour Amorbach, en passant par Valenciennes, où le duc de Wellington avait ses quartiers généraux de commandant en chef des armées coalisées qui, trois ans après Waterloo, occupaient toujours les Flandres.
    Victoire, duchesse de Kent, était enceinte. Elle n’était pas la seule. Adélaïde, duchesse de Clarence, et la princesse Augusta de Hesse-Cassel, qui avait épousé en mai le fils cadet de George III, Adolphus, duc de Cambridge, lui faisaient une concurrence inquiétante.
    Edward, quant à lui, avait l’intime conviction que son enfant régnerait. On racontait qu’un jour une bohémienne de Gibraltar lui avait prédit qu’il aurait une fille qui serait une grande reine. Surtout, disait-il à qui voulait l’entendre : « mes frères ne sont pas si forts que moi. J’ai mené une vie régulière et je les enterrerai tous. La couronne me reviendra, à moi et à mes enfants ».
    Ses frères, William et Adolphus, se rendant aux arguments de leur aîné, le régent George, avaient accepté que leurs enfants naissent dans le royaume de Hanovre, dont le duc de Cambridge exerçait la régence en lieu et place de leur père George III, désormais aveugle et fou. La révolution de 1688, en déposant Jacques II au profit de sa fille Mary II et de son époux Guillaume III d’Orange-Nassau, avait installé sur le trône britannique la très allemande maison de Hanovre. Les princes du sang tenaient à renforcer la légitimité de leur descendance par le droit du sol. Edward de Kent y était déterminé : son enfant devait naître en Angleterre. Il avait écrit au régent, faisant appel à sa bonté de cœur et à sa magnanimité. Il demandait une assistance financière pour le voyage de retour et les frais de bouche de sa famille, le yacht royal pour la traversée, l’usage d’appartements au palais de Kensington. Si l’état de la duchesse devait amener les médecins à lui conseiller des bains de mer, il lui faudrait emprunter l’une des demeures royales à Brighton ou à Weymouth.
    C’était peine perdue. En novembre, sa mère la reine Charlotte, à qui il devait de vivre loin de

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