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Vie de Benjamin Franklin, écrite par lui-même - Tome II

Vie de Benjamin Franklin, écrite par lui-même - Tome II

Titel: Vie de Benjamin Franklin, écrite par lui-même - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benjamin Franklin
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loi de Moyse étoit la loi de Dieu, et l'émanation de la sagesse divine, infiniment supérieure à la sagesse humaine, d'après quel principe pouvons-nous donner la mort pour punir une offense, qui, conformément à cette loi, ne devroit être punie que par la restitution du quadruple de l'objet enlevé ?—Mettre à mort un homme, pour un crime qui ne le mérite point, n'est-ce pas commettre un meurtre ? Et, comme dit l'auteur français, doit-on punir un délit contre la société par un crime contre la nature ?
Une propriété superflue est de l'invention de la société. Des loix simples et douces suffisent pour conserver les propriétés purement nécessaires. L'arc du sauvage, sa hache et son vêtement de peaux n'exigent pas qu'une loi lui en assure la conservation. Ils sont suffisamment gardés par la crainte de son ressentiment et de sa vengeance. Lorsqu'en vertu des premières loix, une partie de la société accumula des richesses et devint puissante, elle fit des loix plus sévères, et voulut, aux dépens de l'humanité, conserver ce qu'elle possédoit.
    Ce fut un abus du pouvoir, et un commencement de tyrannie.
Si, avant de faire entrer un sauvage en société, on lui avoit dit :«—Par le moyen du pacte social, ton voisin pourra devenir propriétaire de cent daims. Mais si ton frère, ton fils ou toi-même, vous n'avez pas de daims, et qu'ayant faim, vous vouliez en tuer un, vous serez obligés de subir une mort infame.»—Alors le sauvage auroit probablement préféré sa liberté, et le droit commun de tuer des daims, à tous les avantages de la société qu'on lui proposoit.
Il vaut mieux que cent coupables soient sauvés que non pas qu'un innocent périsse : c'est une maxime qui a été long-temps et généralement approuvée ; et je ne crois pas qu'on l'ait jamais combattue. Le sanguinaire auteur des Pensées sur la Justice exécutive, convient lui-même qu'elle est juste ; et il remarque fort bien :—«Que la seule idée de l'innocence outragée, et plus encore celle de l'innocence souffrante, doit réveiller en nous tous les sentimens de la plus tendre compassion, et en même-temps, exciter la plus vive indignation contre les instrumens de ses maux.»—Mais il ajoute :—«Que l'innocence ne sera jamais exposée ni à être outragée, ni à souffrir, si l'on suit strictement les loix.»—Est-ce bien vrai ?—Est-il donc impossible de faire une loi injuste ? Et si la loi elle-même est injuste, ne sera-t-elle pas le véritable instrument qui excitera une indignation générale ?
J'apprends, par les dernières gazettes de Londres, qu'une femme y a été condamnée capitalement pour avoir dérobé, dans une boutique, de la gaze qui valoit quatorze schellings trois sous. Y a-t-il donc quelque proportion entre le tort fait par un vol de quatorze schellings trois sous, et la punition d'une créature humaine, qu'on fait mourir au gibet ? Cette femme ne pouvoit-elle pas, par son travail, remplacer quatre fois la valeur de son vol, ainsi que dieu l'a ordonné ?
    Tous les châtimens infligés au-delà de ce que mérite le crime, ne sont-ils pas une punition de l'innocence ? Si le principe est vrai, combien l'innocence, non-seulement est outragée mais souffre chaque année, dans presque tous les états civilisés de l'Europe !
Il semble qu'on a pensé que cette sorte d'innocence pouvoit être punie pour prévenir les crimes. Je me rappelle avoir lu qu'un turc cruel, qui habitoit les côtes de Barbarie, n'achetoit jamais un esclave chrétien sans le condamner aussitôt à être pendu par les jambes et à recevoir cent coups de bâton sur la plante des pieds, afin que le souvenir de ce châtiment sévère et la crainte de le subir de nouveau, l'empêchassent de commettre des fautes qui pourroient le lui mériter.
L'auteur du pamphlet anglais auroit lui-même de la peine à approuver la conduite de ce turc dans un gouvernement d'esclaves ; et cependant il paroît recommander quelque chose de semblable pour le gouvernement des Anglais, quand il applaudit le discours du juge Burnet à un voleur de chevaux. On demandoit à ce voleur ce qu'il avoit à dire pour n'être pas condamné à mort. Il répondit qu'il étoit bien cruel de pendre un homme pour avoir seulement volé un cheval.—«Homme, répliqua le juge, tu ne seras pas pendu pour avoir seulement volé un cheval ; mais pour que les chevaux ne puissent pas être volés.»
Il me semble que la réponse du voleur, examinée loyalement,

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