Vikings
d’une intensité rare. Jamais encore il n’avait ressenti autant d’attraction pour quelqu’un.
— J’ai quelque chose à te dire, poursuivit-elle à voix basse, quelque chose de très important et qui n’a que trop tardé...
— Oui, répondit Le Bihan sur le ton faussement étonné de celui qui se prépare à écouter de douces paroles.
— Voilà, se lança-t-elle avec timidité. Je n’ai que trop attendu pour te le dire. Pierre, je... Enfin, Pierre, je t...
— Oui ? fit-il encore pour l’encourager. Joséphine prit sa respiration et se passa une main dans les cheveux pour dompter une mèche rebelle.
— Pierre, se décida-t-elle enfin, j’ai trouvé un moyen pour étudier la tapisserie de Bayeux.
L’historien fit deux gros yeux ronds et Joséphine parut très heureuse du coup qu’elle venait de lui jouer. Devant le tour que prenait la conversation, Pierre se releva. Le romantisme de la scène était rompu.
— Ah ? répondit-il d’un ton faussement détaché. Et comment as-tu réussi cela ? Je croyais qu’elle était conservée dans la Sarthe, dans une réserve des Musées nationaux après avoir été longtemps dissimulée dans une des caves voûtées de l’hôtel du doyen à Bayeux...
— Tu sais que moins tu en sais... répondit-elle.
— ... mieux je me porterai, continua-t-il.
— Tu dois être prêt demain matin à la première heure. C’est Marc qui nous conduira à Bayeux. Il a emprunté le fourgon de livraison de lait de son beau-frère. Avec ça, nous passerons inaperçus.
À la seule prononciation du nom de Marc, Le Bihan fit une grimace qui n’échappa pas à Joséphine. Celle-ci prit les devants en se rapprochant à nouveau de lui. Elle posa la tête sur son épaule et continua :
— Et ne t’inquiète pas pour notre ami Marc. Il fallait encore que je te dise une autre chose importante. Je t’aime, Pierre.
Cette fois, les yeux du jeune homme se firent encore plus gros. Combien de fois n’avait-il pas espéré entendre cette phrase qu’il n’osait pas prononcer lui-même ? Et voilà qu’elle arrivait au moment le plus inattendu. Et qu’il ne trouvait rien d’intelligent à répondre. Même pas le moindre « moi aussi » tout simple et tout bête qui lui brûlait les lèvres. Il lui donna un, baiser affectueux sur le front et finit par dire :
— J’avais une petite question à te poser... La première fois que nous nous sommes vus, tu m’as dit que tu serais Joséphine pour moi. C’est quoi ton vrai prénom ?
— Joséphine, sourit-elle. Je n’ai pas été prudente ce jour-là, mais c’était étrange, je n’avais aucune envie de te mentir. Et depuis lors, cela n’a pas changé.
— Je te remercie pour tout ce que tu fais pour moi, murmura Le Bihan, trop heureux d’entendre de pareilles paroles. Tu as changé ma vie. Au fait, cela te gênerait de passer la nuit ici ? Si nous devons partir tôt, ce sera plus simple. Et puis, cela me... cela me ferait plaisir.
Et ce fut de cette manière que Joséphine fut assurée que Le Bihan l’aimait aussi.
Chapitre 33
C OMME À SON HABITUDE , Joséphine n’avait rien laissé au hasard. À six heures, le fourgon de livraison s’était arrêté devant la maison de la rue du Beffroy. Le Bihan était sorti en portant une cruche de lait qu’il rangea soigneusement, mais sans perdre de temps dans le véhicule. Une fois à l’intérieur, le jeune homme se glissa dans un espace aménagé dans le double fond du plancher de bois. Une fois que le jeune historien fut bien caché, Marc disposa sur la cachette quelques cruches remplies de lait. Pendant la brève opération, le rival de Le Bihan n’avait pas eu le moindre regard pour lui et le jeune homme le soupçonnait d’avoir fait exprès de jeter sans ménagement les récipients de fer sur sa cachette pour l’effrayer. La tension entre les deux hommes était palpable, mais Joséphine était là pour éviter que la moindre étincelle ne mît le feu aux poudres.
Pour une fois, le moteur de l’engin ne se fit pas prier et le fourgon s’engagea facilement dans la rue Beau-voisine avant de prendre le boulevard de l’Yser. Les Allemands étaient de plus en plus nerveux et Joséphine crut à plusieurs reprises qu’ils aliment se faire contrôler avant de quitter la ville. Alors qu’ils arrivaient à la hauteur de la sortie de Rouen, un officier leva le bras pour les arrêter. Sans prononcer un mot, il fit le tour du fourgon et ordonna à ses
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