11 Septembre... 1973
qui vint aider le Chili à contrôler l'inflation [63] .
La mission préconisa l'application d'un programme d'austérité fondé sur le gel
des salaires, la réduction des dépenses publiques, le contrôle de la dette de
l'État, l'adoption d'un taux de change unique et flottant, l'abandon des
subventions aux exportations et de la politique de quotas si caractéristiques,
à l'époque, du commerce extérieur chilien [64] .
Ce programme, précurseur du néolibéralisme, connut
quelque succès à ses débuts, mais il suscita un tel mécontentement au sein de
la population qu'il dut être abandonné. L'idée que la réduction de
l'intervention de l'État comme celle des dépenses budgétaires étaient des
mesures qu'il fallait parvenir à appliquer d'une manière ou d'une autre
continua, cependant, à faire son chemin dans l'esprit des élites chiliennes.
Les efforts de la mission Klein-Saks furent relayés dans la presse par une
personnalité alors très influente : Agustin Edwards, propriétaire du plus
important journal du pays, El Mercurio. Edwards devint l'un des
meilleurs avocats de la cause monétariste et contribua à en populariser les
thèses. Il fonda notamment le Centre d'études socio-économiques, baptisé
"Projet Chili", chargé de sensibiliser les milieux patronaux et qui
diffusait ses idées par l'intermédiaire de la revue Polémica
Economico-Social.
L'accord entre l'Université de Chicago et
l'Université catholique du Chili prit fin en 1964. Au total, entre 26 et 30
économistes chiliens furent formés à l'Université de Chicago. La moitié d'entre
eux parvinrent à la notoriété dans le domaine économique, au Chili et à
l'étranger. Depuis la Faculté d'économie de l'Université catholique, où
enseignait notamment le futur ministre des Finances Sergio de Castro, ils
exercèrent une profonde influence sur les milieux de la droite chilienne, en
participant, notamment, à l'élaboration du programme électoral du Parti
national, en 1970. Comme l'écrit Gonzalo Caceres Quiero : "La
participation majoritaire d'économistes monétaristes à la rédaction de ce
document annonçait le caractère hégémonique que les idées néolibérales allaient
acquérir à l'intérieur de la droite organisée [65] "
Au lendemain du coup d'État, des économistes
néolibéraux et des militants du Parti national, auxquels s'étaient joints des
indépendants et des chrétiens démocrates, élaborèrent un programme et le
diffusèrent auprès des militaires. La junte accueillit favorablement leur
initiative et commença à les associer à sa politique. En moins d'un an, les
néolibéraux parvinrent à s'imposer et à évincer les tenants du " national-populisme
", qui prônaient une politique basée sur le protectionnisme et le
corporatisme. Depuis l'Université catholique, le professeur Jaime Guzmán
commença à fournir un appui juridique aux réformes institutionnelles. Les
Facultés d'économie et de droit jouèrent un rôle fondamental en devenant les
laboratoires d'idées de la dictature. Avec plusieurs années de retard, les Chicago
boys parvenaient à remplir l'objectif pour lequel ils avaient été formés.
Plusieurs raisons expliquent le choix des
militaires. "À l'impossibilité pratique d'introduire un modèle économique
de caractère corporatiste, analyse Gonzalo Caceres Quiero, s'ajoutaient
l'urgence de pouvoir s'appuyer sur le système économique international et le
constat d'une méconnaissance technique (...). Il faut mentionner un facteur
d'attraction supplémentaire : les néolibéraux, comme les militaires chiliens,
ne manquaient pas simplement d'expérience politique, ils rejetaient
explicitement la politisation de la société [66] ".
Les généraux souhaitaient par-dessus tout en finir
avec le modèle économique de l'Unité populaire et permettre au secteur privé de
se développer. Un modèle anti-étatique fut mis en place, qui excluait tout type
d'organisation sociale ou politique des individus. La crise de 1974, qui suivit
le premier choc pétrolier et affecta de très nombreux pays, accéléra encore le
processus. Le marché, avec sa "main invisible", allait devenir le
grand régulateur de la vie des Chiliens, aux côtés de l'armée.
L'alliance
entre les militaires et les économistes néolibéraux fut brutalement rompue en
1983. La crise dévasta tout sur son passage et poussa les Chicago boys à
se retirer, pour un temps, du jeu politique. Ils se replièrent dans
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