4 000 ans de mystifications historiques
parvint un mois plus tard à destination.
Dupé par les fausses informations d’émissaires hittites, il crut ses ennemis plus éloignés qu’ils ne l’étaient. Il commit alors une erreur tactique : à la tête de la division d’Amon, il partit de l’avant et installa son camp au pied de la citadelle dont il comptait faire le siège ; il s’isola donc du gros de son armée. Les Hittites, alors tout proches, déboulèrent dans son camp en pleine nuit et Ramsès II ne dut son salut qu’à la fuite. Il se retrouva seul dans une mêlée nocturne. Sa garde personnelle, les Néarins, lui permit cependant de résister au premier choc. La division d’Amon put alors se regrouper et, avec l’aile d’une division qui arrivait à la rescousse, celle de Rê, contint l’offensive hittite.
Le roi hittite Mouwattali avait réussi à repousser les Égyptiens.
Ramsès II ne conquit jamais Qadesh et n’en entreprit même pas le siège. Mais il transforma une déroute caractérisée en une formidable victoire. D’abord, un scribe nommé Pentaour rédigea un immense poème célébrant les triomphes successifs de son monarque dans cette épopée, lui prêtant des exploits imaginaires, comme des incursions en Mésopotamie et en Asie mineure, avec le secours héroïque de ses fils… qui avaient alors dix ou douze ans. Non content d’avoir ainsi pansé son amour-propre, Ramsès II fit ensuite réaliser des hectares de hauts-reliefs sur les murs des temples, pour illustrer ces fables.
Les sujets de Ramsès II ne surent jamais rien de la vérité et les militaires qui avaient participé aux combats tinrent sans doute leur langue, de peur des conséquences. Mais les Égyptiens avaient aussi le sens de la satire, et ils savaient écrire des textes séditieux ; ceux-ci ne nous sont pas tous parvenus, mais il en est au moins un qui témoigne que certains scribes se doutèrent des rodomontades du monarque ; ainsi du Récit du scribe Hori , qui dénonce les vantardises d’un traîneur de sabre et l’invective en ces termes :
Tu n’es pas allé dans le pays des Hattous [Hi ttit es] et tu n’as pas vu le pays d’Oupi [la Syr ie] . Tu ne connais pas plus les paysages du Kbedem que ceux d’Iged. Tu n’es jamais allé à Qadesh…
La dénonciation est transparente.
Ramsès II finit par pactiser avec les Hittites et il dépensa même des trésors de patience pour obtenir la main de la fille du « vil Hattou » qu’il avait agoni d’injures. Il n’en fut pas moins un grand roi.
Mais c’eût été moins évident pour ses sujets et ses successeurs s’il n’avait inventé la propagande.
X e siècle av. J.-C.
La Grande Jérusalem existait avant David
En 1998, l’archéologue israélien Ronny Reich publiait, au terme de deux ans de travaux, les résultats de fouilles entreprises dans les sous-sols de Jérusalem ; il concluait que le système de canalisations qui approvisionnait la ville en eau depuis des dizaines de siècles datait de 1800 avant notre ère et que la superficie de la ville ancienne était double de celle qu’on avait jusqu’alors estimée ; en effet, elle incluait la source de Gihon que, par tradition, on avait située à l’extérieur de la ville conquise par David.
L’archéologie est une science qui souvent frise le domaine politique, notamment en Israël, et les résultats des fouilles de Reich suscitèrent des interpellations à la Knesset et des débats assez vifs, oubliés depuis.
Pour mémoire, selon la tradition, appuyée sur la Bible (Samuel, II), le roi David décida de s’emparer de la ville cananéenne de Jérusalem, qui appartenait aux Jébusites, afin de mettre fin à la guerre fratricide entre les tribus de Benjamin et de Juda et de leur imposer sa volonté et la paix. Pour cela, il recruta une armée de Kérétiens et de Pérétiens, c’est-à-dire des Crétois ; partant du conduit de la source de Gihon, à l’extérieur de la ville selon la Bible, lui et ses soldats s’infiltrèrent dans Jérusalem, défirent promptement les défenseurs jébusites et s’emparèrent de la ville. Par la suite, le roi David agrandit considérablement sa capitale.
Que les canalisations fussent plus anciennes qu’on l’avait cru ne contrariait pas la tradition, puisque c’était par ces boyaux que David et ses soldats avaient pénétré dans la ville. Mais que la source de Gihon se trouvât à l’intérieur de l’enceinte de celle-ci contredisait cette tradition ; comment
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