Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
avec autant de sang et autant de destructions serait allé à la ruine. "
Alexandre se reprit, son visage s'assombrit comme si les massacres et les deuils que sa mère avait évoqués pesaient maintenant sur son esprit.
" Le destin veut que les choses en aillent ainsi, répliqua-t-il. Le destin veut que l'homme supporte les blessures, les mala dies, les souffrances et la mort avant de s'enfoncer dans le néant. Mais il relève de son pouvoir et de son choix d'agir avec honneur et d'être clément chaque fois que cela lui est possible. C'est la seule dignité qui lui est concédée depuis qu'il a été mis au monde, la seule lumière avant que ne viennent les ténèbres d'une nuit sans fin... "
40
Le lendemain, Eumène annonça à Alexandre que la tombe de son père était prête, et que l'on pouvait célébrer ses funé railles. En réalité, seule la première partie du grand sépulcre avait été achevée, dans un délai extrêmement court: on avait prévu une seconde chambre o˘ l'on déposerait d'autres objets précieux pour accompagner le souverain dans l'au-delà.
Revêtu d'habits somptueux et la tête ceinte d'une couronne de feuilles de chêne en or, Philippe fut placé sur le b˚cher par ses soldats. Deux bataillons de la phalange et un escadron des hétairoi à cheval lui rendirent les honneurs.
Le b˚cher fut éteint avec du vin pur; les cendres et les os furent enveloppés dans un tissu de pourpre et d'or, en forme de chlamyde macédonienne, et enfermés dans un coffret en or massif muni de pieds en forme de pattes de lion et d'un cou vercle frappé de l'étoile argéade à
seize pointes.
A l'intérieur de la tombe, on installa la cuirasse en fer, cuir et or, que le roi avait portée durant le siège de Potidée, ses deux jambières de bronze, son carquois en or, son bouclier de parade en bois, recouvert d'une feuille d'or et orné d'une scène dionysiaque de satyres et de ménades sculptée dans l'ivoire. Ses armes d'attaque--son épée et la pointe de sa lance-furent jetées dans le feu de l'autel et fléchies rituellement afin qu'elles ne soient plus jamais utilisées.
Alexandre déposa ses offrandes personnelles: une magni fique carafe en argent massif, dont l'anse était décorée d'une tête barbue de satyre, et une coupe en argent à deux anses d'une telle beauté et d'une telle légèreté
qu'elle semblait sans poids.
L'entrée du sépulcre fut fermée par une grande porte de marbre à deux battants, flanquée de deux demi-colonnes doriques qui reproduisaient l'entrée du palais royal d'Aigai. Un artiste de Byzance s'employait encore à peindre sur le lin teau une magnifique scè~e de chasse.
La reine Olympias n'assista pas au rite funèbre, parce qu'elle ne souhaitait pas placer d'offrandes votives sur le b˚cher ni dans la tombe de son mari, et parce qu'elle ne vou
lait pas rencontrer Eurydice.
quand les soldats refermèrent la grande porte de marbre, Alexandre pleura: il avait aimé son père et il sentait qu'on enterrait à jamais sa jeunesse derrière ces battants.
Eurydice se laissa mourir d'inanition avec la petite Europe, et les soins de Philippe, le médecin, qui fit appel à toutes ses connaissances, ne servirent à rien.
Alexandre fit édifier une somptueuse tombe pour la jeune femme et ordonna qu'on y place le trône de marbre que son père utilisait pour administrer la justice sous le chêne d'Aigai, une pièce magnifique, ornée de griffons et de sphinx en or, ainsi que d'un quadrige peint sur le dossier. Une fois ses devoirs accomplis, il s'en retourna à Pella, l'‚me remplie de tristesse.
Le général Antipatros était un officier de la vieille garde de Philippe, loyal envers le trône et extrêmement fiable. Alexandre l'avait chargé de suivre la mission d'Hécatée en Asie, auprès de Parménion et d'Attale, et il en attendait impa tiemment le résultat.
Il savait que les barbares du nord, les Triballes et les Illyriens, recemment soumis par son père, pouvaient s'insurger d'un moment à l'autre; il n'ignorait pas que les Grecs n avaient accepté les clauses de la paix de Corinthe qu'après le massacre de Chéronée, et que tous ses ennemis, en premier lieu Démosthène, étaient encore vivants et en pleine activité. De plus, Attale et Parménion contrôlaient les Détroits et se trouvaient à la tête d'un corps d'expédition fort de quinze mille hommes.
Comme si cela ne suffisait pas, on venait d'apprendre que des agents perses prenaient des contacts à
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