Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
à un présage qui l'avait visitée dans son sommeil tandis qu'elle reposait auprès de son époux, Philippe, roi des Macédoniens, qui s'était repu de mets et de vin.
Elle avait rêvé qu'un serpent rampait lentement le long du couloir et entrait sans bruit dans la chambre. Elle le voyait, mais ne pouvait bouger; elle ne pouvait ni crier ni fuir. Les anneaux du grand reptile glissaient sur le dallage de pierre, ses écailles étincelaient de reflets de cuivre et de bronze sous les rayons de la lune qui pénétraient par la fenêtre.
Un instant, elle avait souhaité que Philippe se réveille et l'étreigne, la réchauffe contre sa poitrine forte et musclée, la caresse de ses grandes mains de guerrier, mais ses yeux s'étaient de nouveau posés sur ce drakon, sur cet animal pro digieux qui se déplaçait comme un fantôme, comme une créa ture magique, une de ces créatures que les dieux font jaillir, selon leur bon plaisir, des viscères de la terre.
Curi~usement, elle n'avait plus peur maintenant, elle n'éprouvait aucun dégo˚t; au contraire, elle se sentait de plus en plus attirée, et presque fascinée par ces mouvements sinueux, par cette puissance gracieuse et silencieuse.
Le serpent s'introduisit sous les couvertures, s'insinua entre ses jamhes, entre ses seins, et elle devina qu'il l'avait prise --légèrement, froidement, sans la blesser ni la violenter.
Elle rêva que sa semence s'était mêlée à celle que son époux avait déjà
fait jaillir en elle avec la force d'un taureau et la fougue d'un verrat avant de s'effondrer, vaincu par le sommeil et le vin.
Le lendemain, le roi avait revêtu son armure, mangé de la viande de sanglier et du fromage de brebis en compagnie de ses généraux, puis il était parti pour la guerre. Une guerre contre un peuple plus barbare que ses Macédoniens: les Triballes, qui s'habillaient de peaux d'ours, portaient des bon nets de renard et vivaient le long des rives de l'Istros, le plus grand fleuve d'Europe.
Il s'était contenté de lui dire: " N'oublie pas d'offrir des sacrifices aux dieux pendant tout le temps que durera mon absence et couve-moi un garçon, un héritier qui me ressemble. "
Puis il était monté sur son cheval bai et s'était élancé au galop avec ses généraux, faisant résonner la cour sous les sabots des destriers et le fracas des armes.
Après son départ, Olympias se plongea dans un bain chaud. Tandis que ses servantes la massaient au moyen d'éponges trempées dans des essences de jasmin et de roses de Piérie, elle envoya chercher Artémisia, sa nourrice, une vieille femme de bonne famille aux seins énormes et aux hanches étroites qu'el}e avait amenée d'…pire lorsqu'elle était venue en Macé doine pour épouser Philippe.
Elle lui raconta son rêve et lui demanda: a quel en est le sens, ma bonne Artémisia ? "
La nourrice l'aida à sortir du bain chaud et commença de l'essuyer dans des toiles de lin égyptien.
" Mon enfant, les rêves sont toujours des messages des dieux, mais rares sont ceux qui savent les déchiffrer. Je pense que tu devrais gagner le plus ancien de nos sanctuaires et consulter l'oracle de Dodone, dans notre patrie, l'…pire. Là, les prêtres se transmettent depuis des temps immémoriaux le savoir qui consiste à interpréter la voix du grand Zeus le père des dieux et des hommes. Celle-ci se manifeste lorsqué le vent se glisse à travers les branches des chênes millénaires du sanc tuaire, lorsqu'il fait susurrer leurs feuilles au printemps ou en été, lorsqu'il les agite, une fois mortes, autour des souches, à l'automne et en hiver. "
Ainsi, quelques jours plus tard, Olympias se mit en route vers le sanctuaire. Il se dressait dans un lieu grandiose et majestueux, dans une vallée verdoyante qu'enserraient des collines boisées.
On disait de ce temple que c'était l'un des plus vieux du monde. Deux colombes, posées sur la main de Zeus, s'étaient envolées après qu'il avait pris le pouvoir en chassant son père, Cronos; l'une d'elles s'était posée sur un chêne de Dodone, et l'autre sur un palmier de l'oasis de Siwah, dans les sables br˚ lants de la Libye. Depuis lors, la voix du père des dieux réson nait dans ces deux endroits.
" que signifie mon rêve ? ", demanda Olympias aux prêtres du sanctuaire.
Ils étaient assis en cercle sur des sièges de pierre, au milieu d'un pré
dont l'herbe, très verte, était semée de marguerites et de renoncules, et ils écoutaient le vent qu~i agitait
Weitere Kostenlose Bücher