Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
sans doute en direction de Lesbos. Il attendra que le vent lui soit favorable pour traverser la mer et aborder la Grèce. Mais il devrait s'attarder un peu afin de se ravitailler et d'arrimer tout ce qui lui est nécessaire. C'est à
ce moment-là qu'il nous faudrait intervenir, l'éliminant une fois pour toutes
-- Et comment? interrogea Ptolémée. Un tueur ou le poison ?
-- Ni l'un ni l'autre. Un tueur ne pourrait jamais l'at teindre: Memnon est entouré, jour et nuit, de quatre hommes qui lui sont extrêmement fidèles. Ils tueraient quiconque ten terait de trop l'approcher. quant aux poisons... j'imagine qu'il dispose d'un go˚teur: sa longue fréquentation des Perses l'y a sans doute amené.
--Certains poisons agissent à retardement, lui fit remar uer Ptolémée.
--C'est vrai, mais leurs effets et leurs symptômes sont bien connus. Et si l'on apprenait que Memn~n a été empoisonné, la faute retomberait fatalement sur Alexandre, ce que nous ne pouvons pas nous permettre.
; --Alors ? demanda Séleucos.
I --Il y a une troisième possibilité. "
L~ Eumène baissa les yeux comme si ses pensées le remplis ~saient de honte.
I " Alors ?
--Une maladie, une maladie inguérissable.
--C'est impossible ! s'exclama Séleucos. Les maladies sur viennent et disparaissent à leur gré.
---Il semble que non, rétorqua Eumène. Il semble que cer taines maladies soient provoquées par de minuscules créa tures, invisibles à l'oeil humain, qui passent d'un corps à l'autre. Je sais qu'Aristote a fait des expériences secrètes à ce
sujet avant de regagner Athènes, à partir de ses études sur la génération spontanée.
--C'est-à-dire?
--Il aurait découvert que dans certaines situations, la génération de ces êtres n'est pas le moins du monde sponta née: il s'agirait d'une sorte de... diffusion. quoi qu'il en soit, Callisthène est au courant, il conn‚ît tout de ces expériences et il pourrait écrire à son oncle. Au début, il ne se passe rien. Memnon pourrait donc agir et se mouvoir normalement sans .que son cuisinier ou son médecin soient suspectés. Les pre miers effets surviennent au bout de quelques jours. "
Ptolémée et Séleucos échangèrent un regard déconcerté.
" Ce plan me paraît difficilement réalisable; il requiert
.
ALEXANDRE LE GRA~lD ~ L~S SABLES D AMMO~
une sérle non négligeable d'éléments conc~rdants, observa
-- C'est vrai, mais c est le seul possible, à mon avis. Il y a toutefois un fait qui joue en notre faveur: un des médecins de Memnon provient de l'école de Théophraste et...
--J'ignorais que tu remplissais aussi des fonctions d'es pion, dit Séleucos d'un air surpris.
--Cela signifie simplement que je fais bien mon travail car il s'agit de nouvelles secrètes. quoi qu'il en soit, le roi Philippe m'avait jadis mis en contact avec ses informateurs grecs et barbares. "
C'est-alors que Callisthène fit son apparition sous la tente .~ Vous m'avez appelé ? " demanda-t-il, les yeux bouffis de som meil.
Alexandre n'arrivait pas à dormir: l'idée que Memnon s'ap prêtait à
attaquer la Grèce, voire la Macédoine, l'inquiétait. Le vieil Antipatros serait-il à la hauteur? Ne valait-il pas mieux renvoyer Parménion dans leur patrie ?
Pendant que Leptine vaquait à ses occupations ménagères, il quitta sa tente et se promena le long du rivage.
C'était une nuit calme et tiède, le bruit du ressac sur les galets scandait son pas. La lune, presque pleine, diffusait une clarté diaphane sur les îles qui ponctuaient l'étendue marine, sur les maisons blanches qui se pressaient autour des criques et des petits ports.
Sa promenade fut bientôt interrompue par un promontoire rocheux. Au lieu de rebrousser chemin, Alexandre décida de l'escalader, pensant qu'il jouirait d'une belle vue au sommet. L'effort physique qu'il accomplit au cours de cette ascension s'ajoutant à la fatigue mentale qui l'accablait depuis un cer tain temps, il se sentit bientôt las et perdu. Sans raison appa rente, il songea à son père. Il avait l'impression de le voir, debout sur le promontoire. Il aurait voulu se précipiter dans ses bras comme à
l'époque o˘ il venait lui rendre visite à Miéza, et s'écrier: " Papa ! ".
Il aurait voulu s'asseoir aUprè
de lui et lui demander conseil.
Il était plongé dans ces pensées quand il découvrit, au som met, la côte qui se poursuivait sur l'autre versant. Ce qu'il le remplit de stupeur. Une grande nécropole s'élevait de l'autre
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