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Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Titel: Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain-Gilles Minella
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devant la foule avec sa barbe rousse et blanche, ses blonds et blancs cheveux ; maigre et faible, à peine un peu de vie aux joues. Ses prédications étaient terribles… » Si le saint homme a fait le voyage de Clairvaux à Paris, à l’âge de soixante et un ans, c’est que l’affaire réclamant son intervention est d’importance. Il s’agit d’arbitrer un différend entre Louis VII et le comte d’Anjou, Geoffroy le Bel. Outre le comte et le roi, sont également présents, dans le palais bâti sur les rives de la Seine, le fils de Geoffroy, Henri, à qui son père vient de transmettre la couronne ducale de Normandie, et la reine Aliénor. La jeune femme a accouché, l’année précédente, d’une seconde fille, Aélis. L’héritier tant attendu par Louis VII n’est pas encore venu. Les liens qui semblaient s’être resserrés entre les deux époux après Tusculum se sont de nouveau distendus. Le roi gouverne sans sa femme et Aliénor s’ennuie. Dans le conflit qui oppose le roi de France et son vassal, le comte d’Anjou, Aliénor n’a joué aucun rôle et si elle est présente, en ce mois d’août, c’est uniquement parce qu’elle vit là, et que, malgré tout, elle représente toujours une part non négligeable du domaine royal.
    Arrêtons-nous un instant. Il y a des moments dans l’histoire où, tout à coup, semblent concentrés tous les éléments qui vont marquer les années à venir, à la fois les principaux protagonistes – Aliénor, Henri et Louis qui se trouvent pour la seule et unique fois de leur vie réunis dans le même endroit – et aussi les thèmes ou les domaines sur lesquels ils vont s’affronter : l’utilisation du lien de vassalité, les rapports entre les pouvoirs de la royauté et les pouvoirs de l’Église, et d’une manière plus vaste, la conception même du pouvoir royal. Deux ambitions s’affrontent déjà sous l’arbitrage de saint Bernard, celle du Capétien, qui veut durer et asseoir la prépondérance de son autorité sur tous les grands féodaux – faire un exemple en quelque sorte –, et celle des Angevins qui veulent s’en émanciper et bâtir leur royaume. À observer la scène avec le recul de quelques centaines d’années, on se rend compte qu’à cet instant-là tout aurait pu être différent. Le cours de l’histoire s’est infléchi parce qu’une femme qui s’ennuyait et qui voulait gouverner a croisé le regard d’un jeune duc, de dix ans son cadet. C’est sans aucun doute elle, tous les historiens s’accordent là-dessus, qui a décidé de la suite des choses… mais j’anticipe un peu.
    Le simple fait que Bernard de Clairvaux se soit déplacé montre que l’affrontement entre Louis VII et Geoffroy d’Anjou recelait en lui de graves dangers. Bernard, avec l’intelligence politique qu’on lui connaît, en avait probablement l’intuition. Pourtant le prétexte de cette querelle est plutôt léger bien qu’il soit assez difficile d’en avoir une idée très nette ; les historiens ne sont pas toujours d’accord sur certains éléments du problème.
    Tout a commencé au début de l’année 1150, quelques mois seulement après le retour de Louis et Aliénor de Terre sainte. Le roi avait fait son entrée dans Paris à la mi-novembre 1149 en compagnie de l’abbé Suger ; Aliénor n’entrera dans la capitale que quelques jours plus tard. Par cette entrée le roi marquait la satisfaction qu’il avait de la régence de l’abbé. Suger avait écrit à Louis vers janvier-février de cette même année : « Votre terre et vos hommes, grâce à Dieu, jouissent d’une bonne paix. Vos revenus judiciaires, vos tailles, vos reliefs féodaux, les produits en nature de votre domaine vous sont réservés pour votre retour. Par nos soins, vos maisons et vos palais sont en bon état : ceux qui tombaient en ruine ont été réparés. » Un royaume « calme et tranquille » donc, grâce à la sage administration de l’abbé, dont le roi fit proclamer partout qu’il méritait le nom de « Père de la patrie ». La plupart des grands féodaux accompagnant les souverains dans l’expédition, Suger n’eut pas de difficultés de ce côté-là. Deux étaient malgré tout restés en France : Thibaud de Champagne et, d’après certains historiens, le comte d’Anjou, Geoffroy le Bel. Selon Régine Pernoud, l’Angevin – surnommé « Plantagenêt {4}  » – avait dans un premier temps accompagné Louis VII en croisade mais

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