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Amours, Délices Et Orgues

Amours, Délices Et Orgues

Titel: Amours, Délices Et Orgues Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alphonse Allais
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Alphonse Allais
    AMOURS DÉLICES
ET ORGUES
    (1898)
     
     
    À mon excellent ami
    LÉON LAURENT (de Reims)
    en souvenir
    des Journées de Juin {1} .
     
    À LA RUSSE – OU – LA BASANE COLLECTIVE
    Si nous voulons rester en bons termes avec le peuple russe, respectons ses traditions, sa foi, son idéal ; n’exigeons de lui aucune concession à nos façons de croire et de penser, car, dans une enveloppe souple, l’âme russe est rigide et tout d’une pièce, comme qui dirait une bille d’acier égarée dans un pneu.
    De même aussi, n’empruntons à leurs coutumes que celles qui s’accordent à notre complexion, si différente de la leur.
    En agissant ainsi, nous éviterons bien des gaffes, surtout celles d’une nature plutôt pénible, comme vous allez pouvoir en juger par ce récit.
    Je commence par déclarer que l’histoire n’est pas de moi : elle me fut contée par le célèbre chansonnier américain Raphaël Shoomard, un garçon assez sérieux pour que je puisse garantir la véracité de cette aventure.
    C’était, il y a quelques années, au début des manifestations de sympathie entre France et Russie.
    Dans certains régiments, ces manifestations avaient pris tout de suite le caractère du pur délire.
    Tous les officiers apprenaient le russe, se nourrissaient de caviar et ne buvaient plus que kummel ou vodka.
    Au bout d’un mois, dans maintes garnisons, l’astrakan avait doublé de prix.
    Parmi les plus frénétiques de ces russophiles, se fit particulièrement remarquer certain colonel d’infanterie, officier dont la rudimentaire intelligence se panachait de la plus exquise brutalité envers le subordonné.
    Cet homme de guerre déclara un beau jour qu’il allait mener son régiment à la russe .
    La discipline russe, il n’y a que ça, pour une armée qui se respecte !
    Une coutume militaire russe l’avait particulièrement séduit.
    En Russie, quand un colonel arrive devant son régiment, il le salue de la main en disant d’une voix forte : « Bonjour, mes enfants ! »
    Et les soldats de répondre, comme un seul homme : « Bonjour, mon colonel ! »
    Il fut donc annoncé, au rapport, qu’à la prochaine revue, les choses se passeraient ainsi.
    Hélas ! Les choses se passèrent autrement.
    Le jour de la revue arriva.
    Toute la population était rassemblée au Champ de Mars de l’endroit, préfet et notabilités dans une superbe tribune.
    Les cœurs haletaient à l’émotion du beau spectacle de bientôt.
    Splendide, le régiment, sous les armes, attendait son colonel.
    Un petit nuage de poussière, là-bas ! C’est lui, le père du régiment !
    Au galop de son petit cheval arabe, il arrive sur le front du régiment, met la main à son shako et, d’une voix de tonnerre, gueule : « Bonjour, mes enfants ! »
    Alors, sans quitter le port d’armes, deux mille mains gauches s’abattent sur deux mille cuisses gauches, produisant deux mille claques formidables.
    Le geste se termine en forme de basane ; mais quelle basane mon empereur ! et combien inoubliable !
    En même temps, deux mille voix répondent : « Zut ! hé ! vieux daim ! »
    Et le plus terrible, c’est que les hommes employèrent, en leur clameur, des expressions autrement vives que zut et que daim .
    Raphaël Shoomard ne nous raconta pas ce qu’il advint ensuite : mais j’ai tout lieu de penser que l’infortuné colonel n’alla pas plus avant dans son essai d’acclimatation des mœurs militaires russes.
     
    ISIDORE
    Mon ami Georges Street m’avait dit :
    – En revenant d’Italie, vous repasserez par Vintimile et Nice ?
    – Très vraisemblablement.
    – Alors, ne manquez pas, quand vous serez à Nice, de pousser une pointe jusqu’à N… et d’aller saluer, de ma part, le brave curé de ce village.
    – Je n’y manquerai point.
    – Vous le prierez en outre de vous laisser interviewer son perroquet.
    – Son perroquet ?
    – Son perroquet… Ce volatile est un des plus braves perroquets avec lesquels il me fut jamais donné d’échanger quelques propos.
    – La nature de ses propos ?
    – Souffrez, mon cher Allais, que je vous laisse la volupté de ce frisson nouveau.
    Je n’eus garde, comme aisément vous l’imaginez, de manquer cette promise aubaine.
    N… (je fausse à dessein l’initiale de la bourgade) n’est éloigné de Nice que d’une heure quarante-trois minutes de voiture (je fausse également à dessein l’évaluation de la distance et le mode de

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