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Amours, Délices Et Orgues

Amours, Délices Et Orgues

Titel: Amours, Délices Et Orgues Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alphonse Allais
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monsieur.
    – Comment ! fis-je un peu scandalisé, tu tutoies ta bonne ?
    – Je tutoie toutes celles de mes bonnes qui sont jolies et âgées de dix-huit ans à peine.
    – Chaque peuple a ses usages.
    – Bien sûr… Encore un peu de turbot ?
    – Volontiers.
    Célestine entra :
    – Monsieur, il y a un type en bas qui demande à vous parler.
    – Je t’ai dit que je n’y suis pour personne.
    – Oui, mais celui-là est un type si rigolo ! Ça doit être un poète.
    – Un nourrisson des Muses ! qu’il pénètre !
    Une sorte de grand dadais, jaune et long, chevelu, avec, sur la figure, des boutons, fut introduit par Célestine.
    – Monsieur de Fondencomble ? s’informa-t-il.
    – C’est moi, répondis-je, mû par mon vieil et indéracinable esprit de mystification.
    – Je viens solliciter l’honneur de collaborer à Indépendant de Cricquebeuf .
    – Vous êtes journaliste ?
    – Oh non, monsieur ! se redressa-t-il. Poète !
    – Et vous désirez que j’insère quelques-unes de vos poésies dans la partie littéraire de mon organe ?
    – Précisément, monsieur. Nous débuterons, si vous le voulez bien, par un poème dont je suis assez content.
    – Quel, ce poème ?
    – Ce sont des vers que j’ai écrits sur le vieux toit en chaume de la maison où je suis né.
    – Une drôle d’idée, vraiment ! Et pas banale pour un sou !
    – N’est-ce pas, monsieur ?
    – Où êtes-vous né ?
    – Pas très loin d’ici, dans un petit pays qui s’appelle Lieu-Godet.
    – Parfaitement… Eh bien, un de ces jours, je pousserai en bicyclette jusqu’à Lieu-Godet et je prendrai connaissance de votre poème… Vous avez une échelle, chez vous ?
    – Une échelle ? Pourquoi faire, une échelle ?
    – Dame, pour grimper sur le vieux toit en chaume de la maison où vous êtes né, et sur lequel vous avez eu la fichue idée d’écrire ces vers.
    – Mais, monsieur…
    – Car, enfin, c’est une fichue idée ! Vous ne pouvez donc pas faire comme tout le monde et écrire vos vers sur du papier ?
     
    L’INHOSPITALITÉ PUNIE
    À la fin, l’orage éclata.
    Un coup de tonnerre déchira le ciel, effroyable.
    Ce fut comme si tout un conclave d’artilleurs en délire s’amusait à déchirer, frénétique, une énorme pièce d’extra-solide toile de Flandre.
    Se mirent à pleuvoir des œufs de pigeon aussi gros que des grêlons, ou, pour parler plus exactement, des grêlons aussi gros que des œufs de pigeon.
    Ce fut par toute la nature, chez les gens et chez les bêtes, un général affolement.
    En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, les êtres animés qui composaient le village avaient trouvé leur abri.
    Seuls, deux pauvres gens continuaient à marcher dans la plaine.
    Un vieil homme et un homme jeune.
    Le vieux, un grand à barbe blanche, noble allure, et, en dépit de ses hardes, un peu rococo, très chic, vraiment très chic.
    Le jeune, une trentaine d’années, barbe et cheveux assez longs, roux, extrême distinction, avec, sur sa face, une indéfinissable expression d’exquise tendresse. Accoutrement pas très moderne, mais beaucoup de charme.
    L’homme jeune tenait à sa main une cage en osier où gémissait, lamentable, une tourterelle.
    Voici que la grêle redoubla de rage et contrainte fut à nos voyageurs de se reposer sous un orme du chemin.
    Faible abri aux feuilles en allées, aux branches hachées. Enfin, c’était toujours ça, n’est-ce pas ?
    Une carriole vint à passer au galop.
    – Pardon, monsieur, fit poliment le plus vieux de nos deux voyageurs, s’adressant à l’homme de la voiture, pourriez-vous nous indiquer, non loin d’ici, la demeure d’une personne de grande piété ?
    Sans paraître aucunement interloqué de cette demande insolite :
    – Tout près de là, répondit l’homme, dans cette petite maison rouge, habite la plus grande dévote de toute la paroisse.
    – Merci, monsieur !… Allons-y chercher un refuge, mon enfant, car je vois s’écorcher ton visage et tes mains.
    – Oh ! mon père, j’en ai vu bien d’autres ! répondit le jeune homme avec un sourire d’une mélancolie poignante.
    Hâtant le pas, nos deux personnages se dirigèrent, avec leur tourterelle, vers la maison de la dévote.
    – Pardon, madame, fit poliment le plus vieux, vous siérait-il d’offrir un refuge à deux pauvres voyageurs surpris par l’orage.
    Les traits de la bonne femme se contractèrent, et l’expression du

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