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Apocalypse

Apocalypse

Titel: Apocalypse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric Giacometti
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des hublots.
    Un homme barbu arpentait une cellule capitonnée, le bras en écharpe. Sa main libre faisait des moulinets dans le vide, il semblait haranguer une foule imaginaire. Son regard flamboyant se posa sur Antoine qui eut du mal à le soutenir. L’inconnu stoppa net sa déambulation et pointa son doigt en hurlant dans le silence capitonné. Klems intervint :
    — Il se fait appeler le rabbin Loew, il a été victime d’une tentative de meurtre organisée par la confrérie de Judas il y a quelque temps, nous l’avons exfiltré d’Angleterre en toute discrétion. Il est en phase d’observation.
    Antoine se massa les tempes.
    — Je ne comprends rien, c’est quoi ici, un asile ? Qui sont tous ces gens enfermés ?
    Le directeur de la fondation le fixa gravement.
    — Tous nos patients ont un point commun. Un seul. Que ce soient ceux que vous avez vus dans le jardin, ceux de la grande salle de discussion ou de ces cellules individuelles. Ce ne sont pas des êtres ordinaires.
    — Mais quel point commun ?
    — Ce sont tous des… messies.

63
     
    Rennes-le-Château
    17 janvier 1917
     
    Le vent commença de souffler dès le matin. Un vent froid et sec qui faisait trembler les minces vitres de la tour Magdala. Comme chaque fin d’après-midi, l’abbé Saunière monta à pas lents l’escalier qui donnait sur le mur d’enceinte. À chaque marche, il donnait un coup de canne sur les dalles. Le tintement ferré lui servait de guide, depuis peu son œil gauche ne voyait plus clair et il craignait une chute. Le souffle court, il atteignit la terrasse.
    Il avait renoncé à contempler l’immense paysage qui se déroulait sous ses pieds. La dentelle blanchie des montagnes, les prés à l’herbe rase, les troupeaux frileux de moutons serrés sous un chêne. Tout ce qui avait été sa vie de prêtre de campagne lui était devenu indifférent. Il souffla encore. Le froid lui piquait les pommettes. Dans la tour l’attendaient un feu de bois et, derrière les livres précieux de la bibliothèque, une bouteille de curaçao qui allait l’accompagner jusqu’au soir.
    Il s’arrêta juste avant la porte. S’il ne voyait plus bien, son ouïe en revanche était intacte. Il lui semblait avoir entendu grincer la grille d’entrée du domaine. Le vent, sans doute. Bérenger haussa les épaules. Qui viendrait voir un prêtre usé, ruiné et mis à l’index par Rome ? Plus personne. Il n’avait même plus le droit de célébrer une messe, de baptiser un nouveau-né ou d’enterrer un mort. On avait brisé sa vocation et il finissait sa vie tel un paria.
    Un nouveau grincement se fit entendre comme si on refermait la grille. L’abbé ne se retourna pas. Si un visiteur s’annonçait, Marie, sa gouvernante, aurait tôt fait de le renvoyer. Depuis sa déchéance de prêtre, elle était seule auprès de lui. En fait, elle ne l’avait jamais quitté depuis qu’elle s’était installée au presbytère.
    Il était loin le temps où toute la bonne société se pressait dans sa demeure et profitait de ses largesses. Il songea à tous ceux qui l’avaient aidé et qui étaient morts depuis longtemps. Le marquis de Chefdebien, M gr Billard, son protecteur. Tout s’était dégradé à la mort de ce dernier, en 1901. Son successeur avait engagé une véritable guerre d’usure contre Saunière depuis qu’il le soupçonnait de s’être enrichi à coups de trafics de messes. Depuis 1910, les vexations et les procès s’étaient multipliés, mais, après bien des obstacles, ses protecteurs l’avaient aidé à demeurer à Rennes-le-Château. Une victoire dont il était ressorti brisé.
    Et maintenant, de tous ceux qu’il avait côtoyés, puissants et faibles, il ne lui restait plus que deux proches. La fidèle Marie et André Lévy, le jeune médecin, frère de loge pour qui il s’était pris d’affection : le fils qu’il n’avait jamais eu.
    Saunière referma la porte. Un instant, la vision de Marie jeune surgit dans son esprit. Timide, le regard baissé, elle rougissait en silence devant ce curé à la carrure d’athlète que tant de femmes dans le village désiraient en secret. Bérenger chassa ce souvenir et s’assit à sa table de travail. D’une main lourde, il déplaça quelques livres pour révéler une bouteille à moitié vide. Les verres étaient dans le tiroir, il en prit un au hasard. Marie ne rentrait jamais dans cette pièce. C’était là son dernier refuge dans la débâcle morale et

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