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Au Coeur Du Troisième Reich

Au Coeur Du Troisième Reich

Titel: Au Coeur Du Troisième Reich Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Lemay , Albert Speer , Michel Brottier
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ainsi dire physiquement, portait l’orateur de phrase en phrase, balayait les réserves des sceptiques, réduisait les adversaires au silence. Par moments on avait l’impression trompeuse que l’unanimité était totale. A la fin, Hitler ne semblait plus parler pour convaincre. Il paraissait bien plutôt convaincu d’exprimer ce que le public, qui n’était plus qu’un troupeau docile, attendait de lui, comme si c’eût été pour lui la chose la plus naturelle du monde de mener en laisse les étudiants et une partie du corps enseignant des deux plus grandes institutions universitaires d’Allemagne. Et pourtant il n’était pas encore ce soir-là le maître absolu, à l’abri de toute critique ; au contraire, il restait la cible d’attaques venant de tous côtés.
    Il se peut que d’autres participants à cette soirée mouvementée soient allés la commenter devant un verre de bière. Il est même vraisemblable que les étudiants m’invitèrent moi aussi. Mais je ressentais le besoin de voir clair en moi-même et de dominer mon désarroi. Je voulais rester seul. Remué jusqu’au plus profond de moi-même, j’errai dans la nuit au volant de ma petite voiture, m’arrêtai dans une forêt de pins des bords de la Havel, et marchai longtemps.
    Il me sembla qu’il y avait là un espoir, qu’il y avait là de nouveaux idéaux, une nouvelle compréhension des choses, de nouvelles tâches à accomplir. Les sombres prédictions de Spengler me semblaient réfutées et, en même temps, sa prophétie annonçant la venue d’un imperator , réalisée. Hitler nous avait convaincus qu’on pouvait écarter le danger du communisme et arrêter sa marche apparemment irrésistible vers le pouvoir. On pourrait même, prétendait-il, mettre fin à ce chômage désespérant pour promouvoir un renouveau économique. Les allusions qu’il fit au problème juif restèrent marginales. Mais ces quelques remarques ne me dérangèrent point. Je n’étais d’ailleurs pas antisémite et avais comme presque chacun d’entre nous des amis juifs, dont j’avais fait la connaissance à l’école ou à l’université.
    Quelques semaines après ce discours, qui eut pour moi une telle importance, des amis m’emmenèrent à une réunion au Palais des Sports. Goebbels, le Gauleiter de Berlin, y parlait. L’impression qu’il me fit fut totalement différente de celle que m’avait laissée Hitler. Des phrases, encore des phrases, bien balancées, aux formulestranchantes. Une foule en délire, secouée par des explosions d’enthousiasme ou de haine d’un fanatisme croissant, une fournaise de passions déchaînées que je n’avais connue jusque-là que dans les nuits des Six Jours cyclistes. Tout cela me répugnait. L’impression favorable laissée par Hitler s’en trouva atténuée, sinon totalement effacée.
    Le Palais des Sports se vida. Dans le calme, la foule descendit la rue de Potsdam. Le discours de Goebbels l’ayant raffermie dans la conscience qu’elle avait de sa force, elle occupait, comme par provocation, toute la largeur de la chaussée, bloquant le trafic des voitures et des tramways. La police laissa d’abord faire sans bouger. Peut-être ne voulait-elle pas exciter la foule. Cependant, dans les rues adjacentes, des commandos à cheval et des camions avec des brigades d’intervention se tenaient prêts. Soudain la police chargea, matraques levées, pour faire évacuer la chaussée. Bouleversé, je les regardais faire. Je n’avais jamais assisté jusque-là à de telles violences. Dans le même instant, je me sentis saisi d’un sentiment fait de compassion et de répulsion et qui n’avait, je le suppose, rien à faire avec des motifs politiques ; je pris parti pour ces gens-là. En réalité, il ne s’était rien passé d’extraordinaire. Il n’y avait même pas eu de blessés. Dans les jours qui suivirent, au mois de janvier 1931, je m’inscrivis au parti et devins membre du N.S.D.A.P., avec le numéro 474481.
    Ce fut là une décision parfaitement libre de tout aspect dramatique. C’est que je me sentais alors, et me suis toujours senti, beaucoup moins membre d’un parti politique que partisan de Hitler dont l’apparition, la première fois que je le vis, m’avait profondément touché et dont l’image ne m’avait plus lâché depuis. Sa force de persuasion, la magie singulière de sa voix, par ailleurs dépourvue d’agrément, le côté insolite de ses manières plutôt banales, la simplicité

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