Au Coeur Du Troisième Reich
vestibule en rouge vif et les salles de travail en un jaune soutenu, sur lequel tranchaient des rideaux rouges. Cette affirmation tonitruante d’un besoin d’agir longtemps réprimé, dans laquelle je voulais voir l’expression d’un esprit révolutionnaire, ne reçut toutefois qu’une approbation très mitigée.
Au début de l’année 1932, on diminua les traitements des assistants. Vaine contribution à l’équilibre du budget, gonflé à l’extrême, de l’État prussien. Aucune grosse construction n’était en vue, la situation économique était désespérante. Trois années d’assistanat nous suffisaient. Nous décidâmes, ma femme et moi, de renoncer au poste d’assistant chez Tessenow et de retourner à Mannheim. La gestion des immeubles appartenant à ma famille m’enlevant tout souci d’ordre financier, je voulais me consacrer désormais sérieusement à mes activités d’architecte, jusqu’alors peu glorieuses. Aussi écrivis-je d’innombrables lettres aux entreprises des environs, et à des relations d’affaires de mon père, pour leur faire part de mon installation en tant qu’architecte indépendant. Mais naturellement l’espoir de trouver un client qui fît confiance à un architecte de vingt-six ans fut déçu. En fait, même des architectes depuis longtemps établis à Mannheim n’avaient pas de commandes à cette époque-là. J’essayai d’attirer l’attention sur moi en participant à des concours. Mais je ne pus jamais décrocher mieux que des troisièmes prix et des promesses d’achat. La transformation d’un magasin situé dans un immeuble de la famille resta mon unique activité d’architecte dans ces années de désolation.
Dans le parti tout se passait dans le climat bon enfant du pays de Bade. Après Berlin et la vie de militant qu’on m’avait peu à peu fait mener, j’avais à Mannheim l’impression de me trouver dans une association de joueurs de quilles. Il n’y avait pas de section du N.S.K.K., aussi me transféra-t-on depuis Berlin à la section motorisée de la SS. Je pensais à cette époque-là avoir été transféré en tant que membre actif, mais, apparemment, je ne le fus qu’en tant qu’invité, car lorsqu’en 1942 je voulus renouveler ma carte de membre, on s’aperçut que je n’avais jamais appartenu à cette section motorisée de la SS.
Lorsque débutèrent les préparatifs pour les élections du 31 juillet 1932, nous nous rendîmes ma femme et moi à Berlin pour connaître l’excitation du climat électoral et si possible, proposer notre aide. Car l’absence persistante de perspectives professionnelles avait fait considérablement grandir l’intérêt que je portais à la politique, du moins le croyais-je alors. Je voulais apporter ma contribution à la victoire de Hitler dans ces élections. Et puis cette campagne ne devait être qu’un intermède de quelques jours car nous voulions, une fois àBerlin, continuer notre route et entreprendre, comme nous l’avions projeté longtemps auparavant, une randonnée en canot pliant, à travers les lacs de Prusse-Orientale.
J’informai le chef du N.S.K.K. du cercle Ouest, Will Nagel, que j’étais là avec mon auto, et je fus désigné pour aller porter les messages dans les locaux du parti les plus divers. Quand ces missions m’obligeaient à me rendre dans des quartiers tenus par les « rouges », je n’en menais souvent pas large. Là, habitant dans des caves qui ressemblaient plus à des trous qu’à des logements, les groupes N.S. menaient une existence de fugitifs. Il n’en allait d’ailleurs pas autrement pour les communistes, quand ils avaient des avants-postes dans les territoires nazis. Le visage chagrin, marqué par la peur et le manque de sommeil d’un chef de groupe travaillant en plein milieu de Moabit, l’un des endroits les plus dangereux à cette époque-là, est resté gravé dans ma mémoire. Ces hommes mettaient en jeu leur vie et sacrifiaient leur santé pour une idée, sans savoir qu’un homme avide de puissance les utilisait pour réaliser ses fantasmes.
Le 27 juillet 1932, Hitler, venant d’un meeting tenu le matin à Eberswalde, devait atterrir à l’aéroport de Berlin-Staaken. On m’avait donné pour mission d’emmener en voiture un agent de liaison de Staaken jusqu’à l’endroit du meeting suivant, le stade de Brandebourg. Quand le trimoteur s’arrêta, Hitler, quelques collaborateurs et des aides de camp en descendirent. Nous étions à
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